Rock & Folk

JAMES HUNTER & BLUE-EYED SOUL

Guère enclin à plaisanter avec la soul, le Britanniqu­e publie un nouvel album de chansons d’amour, enregistré en mono chez Daptone.

- RECUEILLI PAR JEAN-WILLIAM THOURY

Les Anglais aiment la musique soul et nombreux la servent avec panache. Georgie Fame, Eric Burdon, Steve Winwood, Steve Marriott, Mike Harrison, Dusty Springfiel­d, Amy Winehouse… James Hunter s’inscrit dans cette noble tradition. Entre expertise et sentiment, son dernier album, “Whatever It Takes”, onzième album toutes formations confondues, sonne particuliè­rement juste. Le résultat d’un long apprentiss­age qu’il évoque ici.

Prolo archétypal

James Hunter : Je suis né dans l’Essex, le 2 octobre 1962, à une heure tardive : ma mère regardait le Dick Powell Show. Je ne pense pas que ce soit l’épisode avec Lee Marvin... ROCK&FOLK : Impossible en effet, il joue dans “The Losers”, diffusé en 1963.

James Hunter : Je commence à m’intéresser sérieuseme­nt à la guitare vers treize ans. Mon frère, de quatre mon aîné, a reçu une acoustique pour Noël. Il me montre les accords de do et de sol, à moi de découvrir comment faire les autres. Quand il en a assez de me voir triturer sa guitare, il convainc un de ses potes de m’en vendre une. Elle ne coûte que deux livres, il faut dire que les cordes sont faites avec des élastiques ! Mon frère m’explique comment l’accorder, mais c’est une chose que je n’arrive toujours pas à faire seul. R&F : Vers qui vont alors vos préférence­s ? James Hunter : J’écoute beaucoup Hank Marvin, le soliste des Shadows, parce que ses mélodies sont simples mais agrémentée­s de plein de petits trucs géniaux. Il est vraiment super. Un peu plus tard, de façon générale, j’ai tendance à préférer la musique noire. Cela me vient de manière indirecte grâce aux blues d’Eddie Cochran comme “Milk Cow Blues”, “Eddie’s Blues”, etc. Certains musiciens de la génération d’avant ont découvert le blues par le biais du folk, moi, c’est en fréquentan­t la musique des Teddy Boys. Pour le blues boom, vers 1968, j’étais trop jeune. On me parle de Peter Green, de gens comme ça, mais je ne les ai pas vraiment écoutés. Je vais directemen­t à la source. Par exemple, j’admire Duffy Power, rencontré au début des années 1980. Un super chanteur !

R&F : Vous devenez Howlin’ Wilf, leader des Vee-Jays.

James Hunter : Je fais mon premier disque comme chanteur invité des Detonators. On se fait aussi appeler les Detours. En 1984, nous montons à Londres. Boz Boorer nous enregistre chez lui pour figurer dans la compilatio­n “Dance To It”. Le nom Howlin’ Wilf est une plaisanter­ie. Outre la référence évidente à Chester Burnett alias Howlin’ Wolf, bluesman légendaire, Wilf est un nom de prolo archétypal. Pour moi, c’est une façon d’annoncer d’emblée que je ne suis pas un authentiqu­e. Evidemment, les confusions avec le véritable Howlin’ Wolf sont permanente­s. Il y a même des gens qui viennent aux concerts en pensant le voir alors que Chester Burnett est mort en 1976 ! Pour le groupe, nous cherchons un nouveau nom. Ceux qui viennent à l’esprit sonnent ringards. On se dit que le nom d’un vieux label américain serait cool et Vee-Jay est un des rares pas encore utilisés.

Fan avant de l’avoir entendu

R&F : “Point Of No Return”, écrit par Gerry Goffin et Carole King pour Gene McDaniels, figure dans “Six By Six” (1990). Ce choix révèle un goût pour le style Brill Building...

James Hunter : J’adore. Les chansons de Goffin & King peuvent vous faire pleurer. La musique, les paroles... J’ai découvert celles-ci grâce à Georgie Fame. Les reprises ont souvent ce mérite de pointer en direction de l’originale. Il est important d’indiquer ses sources. Dans la même veine, je chante “A Lover’s Question” de Clyde McPhatter, un ancien Drifters. J’ai cherché ses disques après avoir lu un article de Bill Millar. Rien que de lire la descriptio­n de son chant, j’étais fan, avant même de l’avoir entendu !

R&F : Votre penchant pour Sam Cooke paraît évident. James Hunter :

Dans un monde parfait, Sam Cooke aurait été un artiste Atlantic car, comme pour Jackie Wilson, je trouve qu’on l’a parfois poussé dans une mauvaise direction. J’ai grandi avec Ray Charles et je suis fan de Jerry Butler, Lou Johnson, Rudy Lewis et tant d’autres. En ce qui concerne la guitare, Johnny Watson, Gatemouth Brown, Lowman Pauling, etc. R&F : La suite ? Après quelques années sans disques, en 1996 j’enregistre “...Believe What I Say” chez Ace, mais c’est un label spécialisé dans les rééditions, pas dans la promotion de nouveaux artistes. Van Morrison participe à l’album. Je le connais depuis que je l’ai rencontré au King’s Hotel de Newport, au pays de Galles, en 1989. Je participe régulièrem­ent à ses concerts. Il arrive le matin dans un sale état à cause de la veille au soir, toussant, crachant, etc. Il fait deux prises de chaque chanson et chaque fois, la seconde est absolument parfaite ! Doris Troy est aussi de la partie. C’est la chanteuse favorite de ma femme.

On leur a forcé la main

R&F : Après “Kick It Around” (1999), vous enregistre­z “People Gonna Talk” (2006) et “The Hard Way” (2008) à Toe Rag, le studio entièremen­t analogique de Liam Watson, avant d’arriver chez Daptone pour “Minute By Minute” (2013).

James Hunter : Concord, avec qui nous sommes liés, nous envoie dans le nouveau studio de Daptone, à Riverside, Californie. Notre contrat arrivant à expiration, il était logique de se tourner vers Daptone. On leur a un peu forcé la main et ça a marché. Bosco Mann est le meilleur producteur que j’aie eu jusqu’à présent. Il fait beaucoup de suggestion­s. R&F : Ce nouvel album ? James Hunter :

Toutes les chansons sont des chansons d’amour, mais il y en a une en particulie­r, celle qui donne son titre à l’ensemble, que j’ai écrite à propos des difficulté­s rencontrée­s par ma femme, du New Jersey, pour venir vivre avec moi à Brighton. Chaque fois qu’elle avait terminé une procédure, on lui disait que ce n’était pas la bonne. Et il faut recommence­r, repayer, etc. C’est un travail de tous les jours, un jeu pervers de la part des autorités qui font tout pour décourager les gens de venir. R&F : Vu le style, il semble logique que “Whatever It Takes” soit pressé en mono... James Hunter :

Ça ne me dérangerai­t pas qu’il soit en stéréo, c’est juste que la mono a plus de punch, que le son a plus d’unité. Et si une enceinte tombe en rade, on entend tout quand même. Ma théorie, c’est que les gens ne font pas attention. Si ce n’est pas écrit sur la pochette, personne ne s’aperçoit que c’est en mono.

“Si ce n’est pas écrit sur la pochette, personne ne s’aperçoit que c’est en mono”

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