Rock & Folk

VOX LOW

A un âge où beaucoup se résignent, ces deux amis ont remonté un groupe aux idéaux intacts. Il y a parfois un deuxième acte dans la vie des musiciens parisiens...

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Vox Low, un nom, quel nom, qui doit tout au hasard. Deux mots, deux hommes. Un disque formidable. C’est un quatuor à deux si l’on osait. Une colonne vertébrale indestruct­ible, deux amis, deux âmes solitaires qui ont accepté de s’y mettre, pour rien, pour la musique, pour faire danser la mort et lui dire d’attendre encore un peu. Et deux potes ajoutés, Mathieu Autin (batterie) et Guillaume Léglise (guitare) pour constituer l’armée nécessaire pour détruire les ultimes réticences sur scène (le groupe a répété avec acharnemen­t pendant des mois pour monter au front armé comme il faut).

Vieille vague

Le binôme créateur, ensemble depuis 2002 (les deux amis se sont rencontrés grâce à leurs copines respective­s), c’est Jean-Christophe Couderc (voix et synthé), un banlieusar­d qui découvre le micro avec Vox Low et Benoît Raymond (basse, guitare et synthé), du Sud-Ouest. La basse... Comment dire ? Ici, elle écrase les habitudes, elle détruit les arrogances, elle convie à une transe qui permet d’oublier, quelques minutes, les couleurs sales de la réalité. Avant, ils ont enregistré quelques disques avec un autre groupe. Think Twice.

“Du funk blanc” lâchent- ils, goguenards. Wikipédia est là pour instruire ceux qui veulent savoir. Le passé peut bien aller parader ailleurs. Ce qui compte, c’est aujourd’hui. Vox Low a mis du temps avant d’exister. Il y a eu la vie, le travail, les doutes, la fatigue, les coeurs qui souffrent, les enfants, ces petits magiciensm­onstres qui transforme­nt les laboratoir­es d’enregistre­ment en chambres à coucher et à rêver. Et puis, un jour... La flamme réactivée, l’envie d’en découdre à nouveau. Vox Low donc. Les deux camarades contre-attaquent. Ils composent des chansons. Les font tourner sur la grande toile. Le buzz, mot atroce et tellement actuel, fait le reste. Quelques EP voient le jour depuis 2015. Des pointures comme Andrew Weatherall valident la chose. Jusqu’à cet album à la liberté noire, au groove sans reddition, capable d’allumer chez des mômes bien des vocations. Quand on leur demande en préambule de décrire ce premier album, ils répondent, amusés : “Ça commence

bien” avant de chercher la bonne réponse pendant de longues secondes. Jean-Christophe : “On a tendance à dire que c’est un peu notre madeleine de Proust ce disque. Parce qu’on est des quadras et qu’on y a mis tous nos trucs depuis qu’on est ados, jeunes adultes, etc. Un pot-pourri de tout ça en quelques sorte...” Quels sont les artistes qui les ont fait grandir, les disques qu’ils ne braderaien­t pour rien au monde. Pour Benoît, c’est Genesis avant le départ de Peter Gabriel, Iggy Pop et Led Zeppelin. Pour Jean-Christophe, Béru, Cure et LFO, lui qui, en 1991, découvre les raves et la puissance de l’instant. Vox Low aime taper du pied. Vox Low aime ne pas choisir. Prendre, peu importe le genre, tant que ça vibre, que ça creuse au bord du précipice. Ce disque cold wave, new wave, no wave, post-punk, psyché, blablabla, est une grande boucle, une messe tribale, un goûter d’anniversai­re où l’on aurait enfermé pour l’éternité les parents à la cave, solidement bâillonnés. La musique de Vox Low est vivante, furieuseme­nt vivante. La modernité de cet album, enregistré à la maison presque intégralem­ent, vient du son, de cette cohérence presque animale qui s’en dégage. Des tubes de terrain vague ! Jean-Christophe : “On s’est amusé à un moment à appeler notre musique de la old wave...” Sa musique fédère parce qu’elle transpire entre les tombes, dans la touffeur d’une nuit d’orage. Par endroit, une ironie délicieuse éclate comme une petite bulle de savon. Et puis, on danse, merde, tout le temps, même quand c’est triste, martial, clin d’oeil inconscien­t ou juste beau.

Territoire magique

Ces lecteurs de Philip K Dick l’ont bien compris : la réalité n’existe pas. Il faut savoir lire entre les lignes, piétiner l’évidence trompeuse. “On est schizos, à la fois optimistes, amoureux de la vie, hédonistes, on adore l’humour potache mais on sort ce disque sombre, assez désabusé, qui vient vraiment de notre époque, bien sûr. Mais avec

un groove !” Si l’on insiste un tantinet, ils avouent être “un peu revanchard­s.” En tout cas heureux d’avoir pu écrire ce disque, “d’être allé jusqu’au

bout” et d’en être là en 2018. Et puis, il y a les concerts, territoire magique. Prolongeme­nt hallucinog­ène du studio. Un ami à eux tourne actuelleme­nt un documentai­re sur le chamanisme, ils vont en assurer la bande-son. Evidemment. La musique de Vox Low regarde les cieux droit dans les yeux. RECUEILLI PAR JEROME REIJASSE Album “Vox Low” (Born Bad)

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