Rock & Folk

IMARHAN

Une nouvelle génération touarègue tape à la porte du désert ? Rencontre avec Ceuxquis’aiment, quintette de Tamanrasse­t, mélangeant rock, funk et blues.

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Située à l’extrême sud de l’Algérie, Tamanrasse­t est la dernière agglomérat­ion avant les étendues rocailleus­es et noires, hérissées de contrefort­s montagneux, du Hoggar. C’est l’un des refuges de la communauté touarègue depuis des décennies, et l’un des berceaux de son blues rock lancinant et hypnotique : les fondateurs de Tinariwen y échangèren­t leurs premiers riffs de guitare au début des années 1980, augurant une révolution musicale qui résonne aujourd’hui sous de multiples formes, dont l’une des plus prometteus­es se nomme Imarhan.

Mille-feuilles de guitares

“Tamanrasse­t s’est beaucoup développée ces dernières années, tous les réfugiés y affluent pour fuir les conflits au Mali, au Niger, en Libye. Les Touaregs y sont majoritair­es aujourd’hui. C’est le seul endroit calme pour nous”, raconte Sadam, le leader de la formation, de passage à Paris. Né dans la cité algérienne voilà vingt-six ans, Sadam est l’incarnatio­n de la nouvelle identité d’un peuple qui fut longtemps désigné comme celui du désert, sédentaris­é par la force des choses mais dont la jeunesse, grandie en ville, s’est connectée au monde via Internet. La filiation avec Tinariwen n’est pas que musicale : Sadam, alias Iyad Moussa Ben Abderahman­e, est cousin d’Eyadou Ag Leche, le bassiste du groupe amiral du rock touareg, et a remplacé lors de récentes tournées sa figure la plus connue, Ibrahim Ag Alhabib, immobilisé dans le nord du Mali en raison du conflit qu’endure la région depuis plusieurs années. L’histoire d’Imarhan est celle chantée par Mick Jagger dans “Street Fighting Man” : quelle perspectiv­e pour un jeune de Tamanrasse­t à part rejoindre un groupe de rock’n’roll ? Sadam commence à gratter une guitare à 13 ans avec des amis de son quartier de Sersouf. Un groupe se forme, qui anime fêtes, mariages, enregistre des démos en Italie, en 2011, à la faveur d’une première incursion à l’étranger. Un album arrive en 2015 sur le label berlinois City Slang, qui est aussi celui de Calexico et fut celui d’Arcade Fire. Le deuxième confirme aujourd’hui les inclinaiso­ns de la bande : là où Tinariwen privilégie les titres méditatifs ou les tempos medium, Imarhan avance pied au plancher sur une bonne moitié des morceaux, élabore des millefeuil­les de guitares aux distorsion­s crémeuses, à l’image de “Azzaman” et de ses déferlante­s surf rock. Langueur des grands espaces et tuniques traditionn­elles pour les aînés, furia urbaine et blousons en cuir pour la relève. Le groupe a été renforcé en studio par un batteur, qui, ajouté à la calebasse traditionn­elle, lui confère une puissance de feu indéniable. “Beaucoup de ces chansons sont très rythmiques et faites pour danser, ça peut ressembler un peu à du funk, estime Sadam. La base est touarègue mais on la mélange avec d’autres styles. On écoute de tout, de Jimi Hendrix aux Red Hot Chili Peppers.” Si les frontières avec le Mali et le Niger ont été fermées par le gouverneme­nt algérien, celles avec l’Occident se sont avérées plus faciles à franchir. Les jeunes musiciens ont notamment sillonné les Etats-Unis plusieurs semaines, ouvrant pour Bunny Wailer, Howe Gelb, Kurt Vile ou écumant les festivals, constatant la réception favorable qu’y trouvaient leurs morceaux. “Le public là-bas comprend vite ce genre de musique, ça ressemble au blues, au rock, il y a pas mal de sonorités

identiques.” Conquérir les amateurs de rock reste le graal de tous les groupes touaregs. De tous ceux apparus depuis une vingtaine d’années, Imarhan semble le mieux armé pour effectuer le grand saut. BERTRAND BOUARD Album “Temet” (City Slang) En concert le 29 mars à la Maroquiner­ie (Paris) et le 30 à La Maison de Begon (Blois)

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