TOP10 Le sucre de Can
Transe et concision, naïveté et musicalité, étrangeté et beauté
01 “Ege Bamyasi”
(1972)
Czukay : “30 millions de téléspectateurs ont pu écouter ‘Spoon’ dans la série ‘Das Messer’ : je n’ai pas été surpris que ça devienne un hit”. Le dément “Vitamin C” est lui récupéré par Samuel Fuller pour le film “Mort D’Un Pigeon Dans Beethoven Street”. Il y a aussi “Sing Swan Song”, “One More Night” et “I’m So Green”, où le quintette réussit ce tour de force : allier transe et concision, naïveté et musicalité, étrangeté et beauté.
02 “Monster Movie”
(1969)
A la bourre, les Allemands investissent le champ rock comme si tout restait à inventer. Des comparaisons restent possibles : un mix de “European Son” (Velvet Underground) et du second Soft Machine, The Monks jouant “Bitches Brew”, “Safe As Milk” s’accouple avec “Interstellar Overdrive”. Chansons bouleversantes (“Mary, Mary So Contrary”) ou ascensions magnétisantes (“Yoo Doo Right”), coup d’essai, coup de maître.
03 “Landed”
(1975)
Le groupe profite de sa nouvelle console 16 pistes pour enregistrer un album de rock classique... qui sonne encore plus cinglé. Dans l’idée, “Landed” serait une fusion 1975 de “Siren” et “Physical Graffiti”.
A l’arrivée : une débauche de créativité (“Vernal Equinox”), un son qui fuit tout formatage (“Half Past One”), de l’extase et de la fureur (“Full Moon On The Highway”), du dub et du funk, et une bombe terrassante (“Hunters And Collectors” : du Brian Eno glam-pop et thermonucléaire).
04 “Soundtracks”
(1970)
Compilation de cinq musiques de films, le lien entre Mooney et Suzuki. C’est paradoxalement pour des BO que Can compose ses morceaux les plus pop et carrés (“Tango Whiskyman”, “She Brings The Rain”, “Deadlock”). Czukay : “On ne vivait alors ni de nos ventes de disques, ni de nos concerts : les BO étaient notre gagne-pain.”
Où comment l’alimentaire rejoint l’extraordinaire. L’épique “Mother Sky” reste un classique du groupe.
Il faut voir le superbe film “Deadlock” et se prendre en pleine face la puissance visuelle de cette musique.
05 “Future Days”
(1973)
Décrit comme leur album californien, soft-rock, limite Steely Dan — on est en réalité davantage dans une continuation tribale du “Meddle” de Pink Floyd. Si la face A s’avère légèrement mollassonne, la B, avec “Moonshake” et la fabuleuse odyssée “Bel Air” plane très haut.
06 “Saw Delight”
(1977)
Où Can invente la drum and bass et la jungle avec 15 ans d’avance. Il ne s’agit plus de rock, la rythmique de Liebezeit et des deux ex-Traffic, plus les collages de Czukay, téléportent le groupe vers des territoires inconnus. “Animal Waves” est juste renversant, mais il y a aussi “Call Me”, “Fly By Night”, “Don’t Say No”. Eno et Talking Heads feront leurs emplettes ici.
07 “Tago Mago”
(1971)
Album de transition vers la concision de “Ege Bamyasi”. Suzuki vient d’arriver, l’alchimie se cherche dans de longues jams. Parfois ça fonctionne, ça lévite (“Oh Yeah”, grandiose), parfois c’est autocomplaisant (“Aumgn”).
Liebezeit : “‘Halleluwah’ est juste monotone, dans le mauvais sens du terme.” Czukay : “Beaucoup de passages ont été enregistrés entre les prises, pendant les pauses.” Du lot, “Mushroom” est le morceau le plus structuré.
Dommage que le sautillant “Turtles Have Short Legs” n’ait pas été inclus.
08 “Flow Motion”
(1976)
Avec “I Want More” et “...And More”, Can invente le disco-punk – LCD Soundsystem s’en souviendra.
Il y a aussi l’inquiétant et trépidant “Smoke (EFS Nr 59)”, le reste s’inscrivant dans le rayon ambient tribal, dub funky.
09 “Unrealised Demos 1968-1969 — Zhengzheng Rikang”
(2015)
Prises et mixages alternatifs de la période Mooney, meilleur que “Delay 68”. Splendides versions de “(My) Connection”, “Little Star Of Bethlehem” et “Melting Away”. C’est grosso modo le matériel qui devait constituer leur premier album, “Prepared To Meet Thy Pnoom”. Czukay : “Aucune maison de disques n’en a voulu, alors on est retournés bosser.”
10 “Soon Over Babaluma”
(1974)
Déboussolé par le départ de Damo Suzuki, Can s’en va piocher dans les musiques du monde, Karoli et Schmidt se chargeant du chant. Le très beau et bancal “Come Sta, La Luna” sonne comme une funèbre comédie musicale. Le reste sera développé dans “Saw Delight” de façon encore plus hallucinante. BS