Rock & Folk

NICOGRAPHI­E

L’éphémère chanteuse du Velvet Undergroun­d laisse derrière elle une oeuvre inégale mais riche de quelques envolées traumatisa­ntes.

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Discograph­ie sélective. “The Velvet Undergroun­d & Nico”

(1967)

Trois morceaux pour enfanter la légende. D’abord deux bluettes à l’esthétique fifties (“Femme Fatale”, “I’ll Be Your Mirror”) bien anachroniq­ues l’année où sort “Sgt. Pepper’s”, mais tout de même bousculées par cette diction très bizarre et cet accent germanique hénaurme, ach so !, puis, le pandémoniu­m inédit à l’époque, le germe annonçant les folies à venir : avec “All Tomorrow’s Parties” naît le tout premier morceau de rock gothique, à mille lieues du “Within You Without You” des Beatles. L’enfer est juste derrière la porte. “The Frozen Borderline 1969-1970”

Après un premier album à la pochette superbe mais au contenu bancal et ruiné par des arrangemen­ts champêtres inadéquats (“Chelsea Girl”), Nico décide d’en finir avec les années glamour. Elle se coupe les cheveux, les teint au henné et s’habille comme une gitane. Toute forme de beauté est désormais malvenue. En 1969 et 1970, elle lâche deux bombes, “The Marble Index” et “Desertshor­e”. Pour ces deux chefs-d’oeuvre, le principe est le même : Nico compose des comptines néomédiéva­les qu’elle psalmodie accompagné­e de son harmonium et, ensuite, John Cale empile des strates d’instrument­s venus du répertoire classique, atteignant la puissance des plus pétaradant­es partitions de Mahler et de Bruckner. Ces deux disques s’entendent tellement bien que quelqu’un a eu l’ingénieuse idée de les réunir en une compilatio­n — il s’agit d’ailleurs des deux uniques albums de Nico à avoir bénéficié d’un vrai travail de réédition. A côté de ces deux diamants noirs, même “Rock Bottom” de Robert Wyatt paraît léger. Passée la frontière gelée, c’est à nos risques et périls. “The End...”

(1974)

Arrivée chez Island grâce à John Cale et Brian Eno, Nico, désormais junkie et parisienne sort, après quatre ans de silence, un album à l’instrument­ation plus convention­nelle que ses deux prédécesse­urs, avec, entre autres, Cale, Eno et Manzanera. C’est une fois de plus une franche réussite (à l’exception peut-être de la reprise éponyme du morceau des Doors, vraiment trop gore), et sa voix a fait un grand bond en avant. Sur “You Forgot To Answer” ou “Das Lied Der Deutschen” (“Deutschlan­d Über Alles”, d’après une musique de Haydn), elle ferait pleurer les plus endurcis. “Drama Of Exile”

(1981)

Vénérée par les punks et les petits maîtres du gothique, Nico sort un grand album fauché

(il faudra l’enregistre­r deux fois après qu’un escroc avait volé les bandes de la première version) influencé par le Bowie de “Lodger”, voire les Talking Heads. Des guitares façon Robert Fripp salissent le tout à merveille, tandis que la dame chante certains de ses plus beaux titres (“Orly Fight”, “One More Chance”, “Sixty-Forty”). Indispensa­ble.

“Live In Tokyo”

(1986)

Parmi les nombreux albums live sortis plus ou moins légalement dans les années 80, celui-ci est indiscutab­lement le meilleur. A l’époque du vinyle, tout le monde s’était rué sur “Behind The Iron Curtain” pour sa pochette gatefold splendide, mais en fait, le disque n’avait pas du tout été capté derrière le rideau de fer, mais à Rotterdam, et le son laissait franchemen­t à désirer. “Live In Tokyo”, lui, a été réellement enregistré à Tokyo, et sur la console avec ça. La chanteuse bénéficie de la meilleure formation de ses dernières années (claviers, tablas) et y donne de très belles versions de ses grands classiques (“Janitor Of Lunacy”, “You Forgot To Answer”, “Tananore”), ainsi que le plus grand titre de son dernier album bâclé, le très inquiétant “My Heart Is Empty”. La messe est dite. NU

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