The Assassination Of Gianni Versace : American Crime Story
Depuis une dizaine d’années,
la mode s’est emparée des grands écrans avec une flopée de films consacrés à des couturiers. De “Lagerfeld Confidentiel”, documentaire introspectif sur le quotidien du créateur hambourgeois cabot au récent et racé “Phantom Tread” de Paul Thomas Anderson en passant par deux biopics concurrents (“Saint Laurent” de Bertrand Bonello et “Yves Saint Laurent” de Jalil Lespert) réalisés en 2014. Mais avec cette nouvelle série produite par la Fox, ce n’est plus laviede qui est abordée, mais lamortde. En l’occurrence Gianni Versace, qui aura apporté sa petite part au septième art en brodant quelques costumes flashy sur “Showgirls” de Paul Verhoeven et “Kika” de Pedro Almodóvar. Versace qui était bien loin de se douter qu’un an et demi après s’être fait remettre par Elton John un prix pour sa contribution au monde de la mode et de la musique, il périrait assassiné, à l’âge de 50 ans, devant le portail de sa villa de Miami. De deux balles tirées à bout portant par Andrew Cunanan, tueur en série également coupable des meurtres de son ancien petit ami, d’un architecte et d’un promoteur immobilier les mois précédents. Un fait divers retracé dans la deuxième saison de “American Crime Story”, la série policière du moment, créée par Ryan Murphy — le formidable showrunner de “Nip/Tuck” — et dont la première saison sur le procès OJ Simpson avait raflé plusieurs Golden Globes et Grammy Awards. En partant de l’assassinat dès le début du premier épisode, la série jongle avec les flashbacks et retrace, en parallèle, les derniers mois de Versace et le parcours tortueux du tueur. Avec un premier intérêt de taille : la symbiose étonnante entre l’univers kitch du couturier et une réalisation très opératique, où travellings et steadicam viennent fluidifier les déambulations nerveuses des deux personnages à l’esprit totalement engoncé dans leur obsession respective (les vêtements pour le premier, le meurtre pour le second). Un exercice de style enivrant qui — photo rose bonbon comprise — n’est pas loin de faire penser à l’ambiance décadente et ensoleillée du “Scarface” de Brian De Palma. Edgar Ramirez, acteur vénézuélien génial qui maîtrise l’art du grimage (voir son étonnante transformation en terroriste Carlos dans le biopic d’Olivier Assayas), compose un Versace plus vrai que nature, tout partagé qu’il est entre l’amour filial de sa soeur protectrice Donatella, sublimée par une Penelope Cruz au look hyper glamour et son amant numberone joué par le bellâtre (et néanmoins excellent) Ricky Martin, 8 ans pile après qu’il a accepté de faire son coming out. Mais le plus intéressant reste le parcours du tueur joué par Darren Criss, réputé pour son rôle dans la série “Glee”. Ses déambulations psychotiques dans le milieu gay de Miami ne sont pas sans rappeler l’ambiance sexuelle morbide du “Cruising” de Brian De Palma, quand Al Pacino devenait lui-même ambigu à force de traquer un serial killer d’homos. A mille lieues du navet de Menahem Golan shooté il y a deux décennies avec Franco Nero dans le rôle-titre (“The Versace Murder”), cette version du mythe Versace, étalée sur neuf épisodes, donne aussi un aperçu antinostalgique des années 90, décennie très frime et très bling bling, où luxe, sang et décadence avaient un sacré goût de fin de siècle (EndiffusionsurCanal+).