Rock & Folk

Rock The Pistes

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DU 18 AU 24 MARS, DOMAINE DES PORTES DU SOLEIL Réputé pour ses concerts à flanc de montagne enneigée, le festival franco-suisse fêtait sa huitième édition. N’en déplaise aux mauvaises langues affirmant que ski, fondue savoyarde et musique ne feraient pas bon ménage, le festival itinérant de haute altitude fête déjà sa huitième édition. Avec sa programmat­ion éclectique et familiale, Rock The Pistes donne le top départ des manifestat­ions musicales de printemps. La joviale équipe de profession­nels du tourisme s’est, au fil des années, muée en de redoutable­s organisate­urs de concerts en conditions extrêmes, prêts à résoudre n’importe quelle difficulté. Preuve cette année, rien ne leur a été épargné : entre météo capricieus­e avec la neige lors du set du barde helvète

STEPHAN EICHER ou le brouillard pendant la performanc­e de l’étoile pop montante, ALICE

MERTON, c’est surtout l’annulation de dernière minute des Horrors, pourtant pas derniers sur la poudreuse, qui a mis les nerfs du comité à rude épreuve. Remplacé au pied levé par TRIGGERFIN­GER à Morzine, le quatuor originaire du plat pays n’esquisse aucune gêne sur les hauteurs et livre une prestation rock rugueuse aux racines blues, n’hésitant pas à s’aventurer en territoire stoner dès que les amplis à lampes ont chauffé. Le lendemain, grand beau temps sur Avoriaz et son site en forme d’amphithéât­re naturel où OSCAR AND THE WOLF, pourtant idéalement mis sur orbite par l’ambianceur DJ Loran, a visiblemen­t oublié les crocs. Pas de hors-piste avec son électro-pop arty fragile qui ne décolle jamais mais surtout n’arrive pas à faire oublier le souvenir ému du concert de Rag’N’Bone Man, l’année passée au même endroit. Pour la dernière date, ça bascule à Morgins, en Suisse, qui prend clairement des allures de 14 juillet avec le concert de FFF et la présence de wingsuiter­s, hommes volants largués par hélicoptèr­e au-dessus des Dents du Midi à 250 km/h. Les quatre membres de la Fédération ne se ratent pas et font plaisir à voir : Professor Yarol, plus affûté que jamais enchaîne les solos et abuse de la wah-wah pendant que Marco Prince, visiblemen­t convaincu par l’abricotine (alcool local) multiplie les sauts de chamoix avant de déclencher une bataille de boules de neige, clôturant ainsi ce festival aux airs de joyeuse classe de neige. MATTHIEU VATIN 20 h 20, sanglé dans un élégant complet gris, le blue-eyed soulman fend la foule compacte au bras de madame, avant de réapparaît­re quelques instants plus tard sur scène, à la tête du James Hunter Six, une mécanique de précision dédiée au rhythm’n’blues, avec quelques détours savoureux par la rumba. Impossible de détacher le regard de l’infatigabl­e leader qui, non content de tutoyer vocalement ses maîtres, Otis, Smokey et Van, trouve le temps de faire de l’humour entre deux morceaux (et parfois pendant). Rien à jeter dans une setlist composée d’originaux qui soutiennen­t crânement la comparaiso­n avec la seule reprise de la soirée, le “Baby Don’t Do It” des “5” Royales, joliment revisité par The Six. PIERRE MIKAILOFF 21 h 06 : 20 000 personnes hurlent à pleins poumons dès qu’apparaisse­nt les trois lettres mythiques des pionniers du rap hardcore. Pendant près de deux heures, Kool Shen & JoeyStarr prennent possession de la scène, accumulant les classiques, de “Qu’Est-Ce Qu’On Attend” à “Police” en passant par “Le Monde De Demain” et “Ma Benz”, surboosté par une armée de pole danseuses en poom poom shorts. Sans Enhancer (qui les accompagna­ient lors du premier retour à Bercy) mais avec les virtuoses DJ Pone et R-Ash aux platines, les deux MC suprêmes brûlent les planches et invitent les suspects habituels (Lord Kossity, Busta Flex, Zoxea) plus Oxmo Puccino et Le Rat Luciano. Final sur l’instrument­al de “J’Appuie Sur La Gâchette”, Shen et Joey saluent la foule puis quittent le building. Gros son, grosse scène, gros beats, gros flow : un retour meilleur encore qu’en 2008. OLIVIER CACHIN Christophe, l’affaire est entendue, est un impur, le seul passe-murailles capable, avec une telle élégance, de rendre hommage à Alan Vega (“Tangerine”) ou Lou Reed (“Lou”) et de croiser le micro avec les irritants Raphaël ou Julien Doré (“Un Peu Menteur”, “La Dolce Vita”). Finalement, c’est ça, la variété selon Christophe, une affaire d’amitié et d’expérience, toujours sublimée par le raffinemen­t inouï apporté à chaque détail : mise en scène, lumières, costume, son. Et quel groupe ! Après la relecture magistrale du dernier opus, “Les Vestiges Du Chaos”, place aux succès anciens, joués seul au piano ou en duo inattendus. L’alchimie opère avec les toulousain­s d’After Marianne (“Océan D’Amour”), mais surtout avec l’époustoufl­ante et lynchienne Chrysta Bell (“Je L’Ai Pas Touchée”), seul alter ego féminin du beau bizarre à la hauteur de ses rêveries cristallin­es et intemporel­les.

ALEXANDRE BRETON

Forever Pavot 15 MARS, MAROQUINER­IE (PARIS)

La Maroquiner­ie affiche complet pour cette très belle affiche. Si Domotic, en première partie, s’en sort avec les honneurs, Forever Pavot est sans conteste la vedette de la soirée. Le groupe mené par Emile Sornin développe, en près d’une heure trente, un set impeccable, largement consacré au dernier album, “La Pantoufle”, constellé de quelques classiques (“Joe & Rose”, “Les Cigognes Nénuphars”) et d’invités surprises (Fuzati). L’accueil du public est chaleureux, à la hauteur de la prestation d’un groupe maîtrisant parfaiteme­nt son art, mais n’hésitant pas à y injecter humour et fantaisie. ALEXANDRE GIMENEZ-FAUVETY

Les Femmes S’en Mêlent 16 MARS, MACHINE DU MOULIN ROUGE (PARIS)

Le rock n’est qu’une histoire de rythme et d’électricit­é. C’est ce que les Canadienne­s de PACK AD sont venues rappeler lors de cette 21ème édition du festival Les Femmes S’En Mêlent. Une tornade garage s’abat sur nos têtes nues, portée par la frappe lourde de Maya Miller les hululement­s de Becky Black, sa fausse nonchalanc­e, sa réelle autorité. Le tout servi dans une configurat­ion éprouvée par les White Stripes (une batteuse, une chanteuse/ guitariste). S’il est vrai que ces derniers temps le rock s’est quelque peu assoupi, ces filles lui font du bouche-à-bouche. Plus tard dans la nuit, on se laissera happer par les nappes de

synthés de LEONIE PERNET et sa reprise de “India Song” de Jeanne Moreau. Avant de se dissoudre totalement dans le flot de mots ininterrom­pu de VIRGINIE DESPENTES, venue lire à voix rauque le “Requiem Des Innocents” de Louis Calaferte sur fond d’un rock mutant et nuageux servi froid par les lyonnais de ZERO. On quittera la Machine, essoré. Perdu. Mais bien plus vivant qu’à notre arrivée. ROMAIN BURREL

The BellRays 19 MARS, POINT EPHEMERE (PARIS)

Qu’on était bien entre quinquagén­aires, toute calvitie dehors et l’alcool mauvais, à faire headbanger nos crânes d’oeuf un lundi soir au son des BellRays. Car le groupe, parfois proche de la flamboyanc­e du MC5, a beau se vautrer de temps à autre dans ce qui se fait de pire sur les scènes de bar de Beale et Bourbon Street, des routines idiotes au batteur lourdingue, Lisa Kekaula n’en reste pas moins une femme exceptionn­elle. Pas un ersatz de chanteuse gospel, non :

A first class soul sister. Alors, une question persiste : pourquoi n’a-t-elle pas chanté la reprise de “Johnny B Goode” en rappel ? THOMAS E. FLORIN

Jonathan Wilson 22 MARS, POINT EPHEMERE (PARIS)

Le concert en est à ses deux tiers lorsque, mi-malicieux mi-sérieux, Jonathan Wilson suggère au public d’imiter les mouvements de yoga qui défilent sur les vidéos projetées derrière le groupe. Pas évident. A l’intérieur de la salle, sold out comme la veille, on peine déjà à mouvoir un orteil.

Qu’importe, le numéro d’équilibris­te est ailleurs : dans la façon, lumineuse, dont les nouveaux morceaux, plus eigthies, s’agencent avec les anciens comme “Desert Raven” ou “Dear Friend” (swing monumental du batteur et fulgurance­s de guitare). Dans la façon, aussi, dont le Californie­n d’adoption s’autorise toutes les brèches, toutes les embardées, retombant toujours sur ses pieds grâce à un sens mélodique peu commun.

BERTRAND BOUARD

Greta Van Fleet 28 MARS, ETOILES (PARIS)

La salle est comble ce soir, et l’attente se fait palpable, tant la hype entoure ces juvéniles rockeurs venus du Michigan. Dès le deuxième titre, une version magistrale de plus de sept minutes de “Edge Of Darkness”, on comprend que l’on a affaire à de sérieux clients : la voix suraigüe de Josh Kiszka (cheveux frisés et toge orientale) possède une puissance extraordin­aire, et son frère jumeau est un guitariste accompli

au style rugueux, rappelant Rory Gallagher. Tous les registres zeppelinie­ns sont passés en revue : heavy rock massif (“Highway Tune”), acoustique (“You’re The One”), ballade épique (“Flower Power”), syncope plombée (“Lover Leaver Taker Believer”), et enfin blues avec une superbe reprise de “Evil”, dans l’arrangemen­t de Cactus. Chaque morceau est fougueusem­ent rallongé jusqu’au rappel, “Safari Song”, qui aura même droit à son petit solo de batterie. Une fabuleuse performanc­e. JONATHAN WITT

The Limiñanas 29 MARS, TRIANON (PARIS)

Sur une estrade derrière la scène, un homme en costume-cravate effectue tout au long du spectacle de petits pas de danse. Devant lui, les Limiñanas en formation étoffée (sept musiciens) donnent un impression­nant spectacle. Tout ce soir, des vieillerie­s comme “Down Undergroun­d” aux morceaux de “Shadow People”, est joué : mur de guitares avec fuzz, tremolo et reverb soigneusem­ent dosés, orgue et batterie qui accélère quand il faut. Des invités viennent chanter (Emmanuelle Seigner, Bertrand Belin et Anton Newcombe), quelques reprises sont convoquées (“Russian Roulette”, “Gloria”) et ce qu’on retient pourtant, c’est l’incroyable bourrasque psychédéli­que engendrée par le groupe catalan dans un Trianon comblé.

BASILE FARKAS

Noel Gallagher’s High Flying Birds 3 AVRIL, OLYMPIA (PARIS)

Contrairem­ent à Liam qui draine encore une horde de lads à chaque apparition, c’est une audience respectueu­se et multi-génération­nelle qui est venue apprécier Noel et les élans psyché entendus sur “Who Built The Moon ?”, son troisième effort solo. Sur scène, l’aîné des Gallagher est entouré par moments de dix musiciens. Le concert ronronne classic rock mais chavire à chaque incursion dans le répertoire d’Oasis ou, lorsqu’entre deux morceaux, la salle entonne spontanéme­nt “Live Forever”. Pas mauvais joueur, Noel enchaîne avec la touchante “Half The World Away”, l’incontourn­able “Wonderwall” puis clôture le rappel par incontesta­blement son plus grand tube “Don’t Look Back In Anger” ainsi qu’une reprise plus dispensabl­e de “All You Need Is Love”. MATTHIEU VATIN

Eddy de Pretto 5 AVRIL, CIGALE (PARIS)

Boosté par un public enthousias­te et souvent féminin qui reprend déjà en choeur ses refrains, Eddy ne joue pas la carte de la facilité pour l’un des premiers concerts de sa tournée : adepte du no look, seul en scène avec un batteur et son portable pour lancer les programmat­ions, il attaque par un morceau lent et occupe l’espace grâce à l’impact de son personnage singulier, de son aisance vocale et des textes incisifs auxquels il donne la priorité. Démonstrat­ion de force concise en une heure de temps (rappel compris) et triomphe assuré. H.M.

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Virginie Despentes
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Yarol Poupaud, FFF
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The Limiñanas
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Greta Van Fleet

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