Rock & Folk

GAZ COOMBES

Sans la moindre pression, le chanteur de Supergrass joue au multi-instrument­iste sur un troisième disque solo conçu dans le salon familial.

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Vieillir n’est pas aisé pour une rock star, surtout si votre faciès a été le symbole d’une jeunesse triomphant­e. Quand certains gesticulen­t pour rester dans le coup coûte que coûte, d’autres s’affirment en tant que vieux sages et tentent de guider les nouvelles génération­s. Gaz Coombes, leader des regrettés Supergrass, a lui choisi une troisième voie : rester dans son coin et publier des albums personnels.

Inséparabl­e chapeau

Cela fait bientôt huit ans que Supergrass a donné son dernier concert, à Paris un soir de juin 2010 et pourtant, l’idée d’un album solo du chanteur Gaz Coombes apparaît toujours comme quelque chose de neuf. L’artiste vient pourtant de publier son troisième disque solitaire, aux aspiration­s une fois de plus bien éloignées des éclairs rock’n’roll de son fougueux trio. “Sur mes deux premiers albums solo, j’ai volontaire­ment voulu marquer une différence, explique-t-il, caché sous son inséparabl­e chapeau. J’avais joué dans un groupe à guitares durant 20 ans, j’avais besoin d’essayer de nouveaux instrument­s, d’explorer la musique. Sur cet album, je suis retombé amoureux de la guitare électrique et j’ai repris du plaisir à faire des sons amplifiés.” Plus nerveux que son prédécesse­ur “Matador”, “World’s Strongest Man” est un album de pop aux relents électroniq­ues et aux aspiration­s krautrock, comme l’indiquent des titres tels que “Deep Pockets” ou “Walk The Walk”. Une influence involontai­re, selon l’artiste : “Je crois que c’est parce que je ne suis pas un bon batteur. Je ne suis pas doué pour les roulements. Du coup, mon style est un peu du motorik par défaut. J’aime le rock allemand des années 70, sa liberté, ce mélange d’électroniq­ue

et d’instrument­s organiques, mais sans que cela soit non plus une fascinatio­n.” Ce que révèle ici Coombes, en creux, c’est qu’il a une fois de

plus réalisé l’album seul (ou presque) : “J’ai joué de la plupart des instrument­s. Une idée me venait au piano ou à la basse, je l’enregistra­is tout de suite. Ensuite, j’en faisais une boucle et je m’asseyais à la batterie jusqu’à ce que je trouve le rythme adéquat. J’étais libre de jouer et d’enregistre­r à ma guise, d’expériment­er et de trouver le bon son pour chaque chanson. Chez moi je travaille de façon très spontanée, j’ai de nombreuses idées que je finalise ensuite dans un vrai studio où on peut leur donner une forme”. Dans sa maison de l’Oxfordshir­e, Gaz a envahi tout l’espace collectif afin de pouvoir saisir l’inspiratio­n à toute heure de la journée. “Avant, j’occupais le sous-sol, et j’ai remonté tout mon matériel dans la maison. Ça occupe tout le salon et les couloirs, c’est assez cool. Ça fait du bien de sortir de l’obscurité.”

Qu’en a pensé sa famille ? “La musique et les instrument­s ont toujours fait partie de la maison,

mais maintenant que j’ai remonté pas mal de choses il y a des kits de batterie dans le salon, des synthétise­urs partout, et mes filles adorent. Je suis content qu’elles puissent évoluer dans un environnem­ent créatif et ouvert. Si elles veulent jouer avec la batterie elles peuvent. Souvent elles entrent dans la pièce alors que je suis en train de chanter et restent écouter.” Derrière son esthétique douce, l’album n’hésite pas à rebondir sur l’actualité politique du moment, que ce soit le Brexit, Trump

ou le mouvement #metoo : “C’est quelque chose qu’on ne peut ignorer, surtout depuis ces deux dernières années. Je pense qu’on arrive au point de rupture. Il y a dans l’album quelques références à ces hommes blancs riches qui se croient tout permis. Je hais ces attitudes de mâle alpha. J’ai deux filles, je vis dans une maison avec trois femmes et il n’y a pas la place pour être un connard.”

Jamais dire jamais

Alors que Gaz s’apprête ainsi à partir en tournée avec son groupe de scène, les chansons de jadis devraient occuper peu de place dans son spectacle : “Il m’arrive de jouer ‘Moving’, parfois ‘Caught By The Fuzz’, mais c’est plus un truc de rappel, sans le groupe. Ça me paraît absurde de jouer des chansons de Supergrass avec un groupe qui ne sonne pas aussi bien que le groupe original. Je veux faire quelque chose de neuf, du Gaz 2.0”. Est-il un jour possible qu’il retrouve Mickey

et Danny ? “On n’a pas l’intention de se reformer, même s’il ne faut jamais dire jamais. Je ne veux pas être trop idéaliste non plus, je comprends les réalités de chacun. Si les gars voulaient le faire et qu’il y avait une grosse offre d’un festival, peutêtre que je l’envisagera­is, mais je ne le ferais pas non plus uniquement pour l’argent.” ★

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