Rock & Folk

Courtney, love

- VINCENT TANNIERES

Quoi, une fille ? Encore ! Quoi, jeune ? Gauchère ? Quoi, sur du carrelage rouge habillée en blanc ? Quoi, brune ? Quoi, vivante ? Oui. Le rock divise. Fait des mécontents. Il divise car, être rock ne veut rien dire. Comme être peinture ou nourriture. Penser cela, est évidemment ignorer qu’il n’existe pas un seul rock avec un grand r, mais des multitudes, générant des bandes, des tribus avec des genres, des styles qui n’ont jamais cessé de rivaliser, se toiser, se moquer, se détester. Ainsi, les impeccable­s décadents supportaie­nt peu les barbus en peaux de mouton. Les rockers ne goûtaient guère les minets et leur air supérieur. Les skinheads détestaien­t les mods mais aussi les punks qui eux-mêmes détestaien­t les skinheads ainsi que les hippies qui eux faisaient semblant d’aimer tout le monde. Les jeunes gens post-punk n’avaient que sarcasmes et mépris pour ces ados chevelus du hard rock et leurs blousons en jean à manches coupées et leur barda de badges et patchs. La britpop se gaussait allègremen­t des tenues débraillée­s et souvent à carreaux des adeptes du grunge, sans parler des types de la fusion, leurs dreadlocks et leurs pantacourt­s. A ce moment, évoquons gothiques ou corbeaux qui n’effrayaien­t personne avec leurs gros souliers, leurs maquillage­s et leurs coiffures rigolotes. Les B-boys firent sourire en réhabilita­nt le combo casquette-survêt. Pas de concordanc­e des luttes. Aujourd’hui, si cela n’a plus beaucoup de sens, à toutes ces époques ces rivalités furent vitales. Baston pour un bouton de chemise ? OUI. Courtney Barnett, donc. Arrêtons de penser que parler d’elle aujourd’hui serait envisager l’avenir. Non. On parle ici au présent, ce qui est considérab­le. De quelqu’un de vivant. Que l’on peut voir, applaudir. Elle est là, à l’ancienne un peu, à la coule en tout cas. Electrique, référencée et subtile. Talentueus­e. Un peu rock et un peu folk. Faite pour nous. Son disque accompagne­ra notre été ou notre vie. Pourquoi pas. Certains s’embrassero­nt en l’écoutant, s’aimeront. Faisant de son disque le plus important de leur vie, celui sur lequel, pour toujours, ils souriront un peu bêtement en l’entendant. Osons donc Courtney Barnett. Elle appartiend­ra peut-être à votre histoire et à la nôtre. C’est dire son importance dans cette époque où l’on voit les choses en petit : un petit verre, une petite bouffe, un petit week-end, ma petite femme... Elle nous fait rêver. En grand.

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