Rock & Folk

METRO VERLAINE

Aidé par le guitariste de Crocodiles, le groupe ébroïcien sort un premier album d’une langueur nullement monotone.

- Isabelle Chelley

Un voyage à Londres qui tourne court, un goût prononcé pour la poésie et la new wave, de bonnes rencontres : c’est en résumé l’histoire de “Cut-Up”, premier album de Metro Verlaine, groupe d’Evreux sous influence anglosaxon­ne (l’inverse est plus rare), qui cite Richard Hell ou Joy Division et oscille entre paroles noires et mélodies pop, puissance et élégance.

Son regard est pareil au regard des statues

La première fois qu’on a croisé Metro Verlaine, ils étaient trois. Raphaëlle, chanteuse à l’organe puissant ; Axel, guitariste, auteur-compositeu­r, fan de Cure et de poésie et enfin, Joe, batteur à la frappe également impression­nante. Romain, le bassiste, est arrivé ensuite, rejoint depuis par Charlie Rowell, fondateur de Crocodiles, groupe californie­n de pop noisy, producteur de “Cut-Up”. Au départ, Metro Verlaine était un duo, formé par Axel et Raphaëlle. “C’est l’ennui

de l’existence, explique le guitariste, qui nous a poussés à devenir créatifs. A Evreux, comme dans d’autres villes de province, tu as le choix entre picoler et déconner pour te sentir vivant ou tenter des trucs positifs.” A l’époque, Raphaëlle termine le lycée et Axel rentre de Londres. “J’étais parti avec deux copains en janvier, on avait 100 euros en poche et on s’est dit : ‘vivons le trip bohème rock’n’roll jusqu’au bout et trouvons un boulot.’ Ça s’est révélé plus difficile que ça en avait l’air...” Retour à la case Evreux. Pour Axel et Raphaëlle, Metro Verlaine n’a jamais été une distractio­n. “On s’est mis à le faire très sérieuseme­nt, on ne s’est jamais trop pris au sérieux pourtant. C’est une citation de Robert Smith, je voulais la placer !” Dès les premières compo-

sitions, très basiques, Axel réalise le potentiel de sa partenaire. “En l’entendant chanter avec autant de passion, je me suis dit qu’on avait une chance incroyable d’être un vrai binôme. Elle m’inspire, elle donne une autre couleur à mes

paroles.” Quiconque a vu le groupe sur scène sait que Raphaëlle concentre les regards. Et pas simplement parce qu’avec ses cheveux peroxydés et son air boudeur, elle est une cousine frenchy de Debbie Harry. Elle se jette dans chaque morceau avec abandon et cette authentici­té brute qui va droit au petit coeur noir des amoureux de rock. “A la base, je chantais en soirée avec des copines. Quand j’ai chanté avec Axel, il m’a dit que j’avais quelque chose. Je n’en étais pas consciente.” Le premier concert en duo a lieu pour le tremplin d’un festival à Giverny, Rock In The Barn. Raphaëlle se souvient d’avoir été “au top de l’angoisse. Mais, une fois sur scène, il s’est passé un truc qui a fait que ça a roulé tout seul. D’un coup d’un seul, je me fichais de ce qu’on pouvait penser.” Metro Verlaine gagne et croise la route de Charles Rowell à Giverny. “On a beaucoup discuté et bu ce soir-là, se souvient le Guitariste de Crocodiles, dernier arrivé du gang. J’ai aimé ce que j’ai vu sur scène, su qu’ils pouvaient aller plus loin. De passage en France pour voir ma future femme, j’ai reçu le message d’Axel me demandant de produire l’album sur le chemin du retour. J’y ai vu un signe, une vraie raison de revenir, en plus de l’amour. J’étais inquiet, c’était ma première production, mais on s’est bien entendu. Tout s’est fait d’une façon très naturelle : on a le même humour, les mêmes inspiratio­ns et idées sur la musique, le son.”

Le couchant dardait ses rayons suprêmes

L’enregistre­ment de l’album a eu lieu dans une vieille maison de campagne transformé­e en studio par l’ingénieur du son, Arthur Guegan, avec Charlie aux manettes. Et quelques surprises à

la clé. “Certaines paroles ont été écrites quelques minutes avant la prise et ce sont celles que je préfère, raconte Axel. On s’était fait tout un film de l’enregistre­ment... Comme toujours, il y a eu million d’imprévus. On était persuadés d’avoir une très bonne chanson et, en la réécoutant, on s’est dit : ‘Quelle catastroph­e...’ On l’a rayée de nos vies ! Depuis le studio, on se connaît mieux. On arrive à se jeter des verres au visage sans que ça prenne des proportion­s démesurées. Des verres vides, je précise.” “Cut-Up” a dépassé les attentes de Metro Verlaine. Et de la critique, pas toujours tendre quand un groupe de rock chante en français. Les premières chroniques parlent d’un disque sombre, mélancoliq­ue et agressif. Une descriptio­n qui convient à Axel. “Chez nous, il y a toujours une facette noire, violente, même si on ne fait pas du metal ou du hardcore, mais aussi une vraie douceur, un penchant pour la pop. Peutêtre qu’on préfère que les gens ne voient que le côté dark. Au moins, ils nous foutent la paix.” ★

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