Rock & Folk

Courrier des lecteurs

Imaginons si Paul McCartney ou Keith Richards...

- Illustrati­on par Jampur Fraize

Chiche

Je vais louer un champ, créer un festival et mettre les Greta Van Fleet en tête d’affiche. PATRICK MOALIC

Rock around the clock

Le changement d’heure, R&F, c’est la chienlit, hein, n’est-ce pas ? Cela dit heureuseme­nt, les chansons, comme c’est le cas en toutes circonstan­ces, sont là. Et elles devraient pouvoir contribuer à amortir le choc, arrondir les angles, synchronis­er nos horloges internes : en grippant quelque peu le cérémonial de cette tyrannie liée au changement d’heure... Douées qu’elles sont les chansons : de cette capacité à suspendre le temps, à nous maintenir en éveil et enfin, à décréter l’antagonism­e émotionnel : confrontés ainsi (comme nous le sommes) à la rigidité tonale d’une alarme de radio réveil. Le réveil-matin étant cette jauge implacable qui symbolise, encadre et délimite le passage d’un monde (et d’un niveau de conscience) à l’autre. Horaire d’hiver/ horaire d’été. Et nous surprend, d’un contrôle inopiné et intempesti­f, en flagrant délit de jetlag. Tout cela pour produire quoi à l’arrivée ? Des économies. D’énergie en l’occurrence. Très bien. Mais et la créativité làdedans ? Imaginons si Paul McCartney ou Keith Richards avaient subi pareil traitement durant leur sommeil au moment où ils composaien­t “Yesterday” et “Satisfacti­on” ? Où en serait la civilisati­on, le monde moderne aujourd’hui ? Mais revenons à nos moutons. La scène se déroule comme suit : autoroute de nos rêveries, une diode de couleur vive clignote dans l’obscurité. On obtempère, on se range sur le bas-côté. Pas grave, se dit-on, car les chansons bien sûr, prendront le relais. Car, en effet, quel meilleur véhicule pour fendre l’obscurité que des chansons ? Priorité ainsi dans le choix de ces dernières aux horaires matinales : comme le moment de la journée où j’effectue moi, ma prise de poste... à cinq heures. En commençant par “2 : 45 AM” (Elliott Smith), “4 AM Conversati­on” (Boo Radleys), “4 AM At Toumani’s” (Mali Music), “Il Est 5 Heures, Paris S’Eveille” (Jacques Dutronc), “Just Who Is The 5 O’Clock Hero” (The Jam), “5 AM” (The Millenium), “5 : 15” (The Who), “5 : 15 The Angels Heave Gone” (David Bowie), “5 : 45” (Gang Of Four), “5 : 55” (Charlotte Gainsbourg), “Martin, Doom ! It’s Seven O’Clock” (Boo Radleys), “7 O’Clock News/ Silent Night” (Simon & Garfunkel), “10 : 03” (Doves) et “11 O’Clock Tick Tock” de U2 pour finir. Question subsidiair­e : une heure perdue l’est-elle à jamais ? (Et inversemen­t). Tandis que Johnny Marr pointe le paradoxe de la situation avec “25 Hours”, Dukes Of Stratosphe­ar avec “25 O’Clock” pose l’hypothèse de la paradoxale journée... Alors que Jimi Hendrix étoffe le postulat avec “If 6 Was 9”, brouillant la boussole horaire en un inversemen­t poétique des chiffres. A moins qu’il ne s’agisse d’un ramollisse­ment des aiguilles... Ou, rapport aux proverbial­es aiguillesd­e notremontr­e de la quête d’un sens à trouver ? Oui, probableme­nt. DESIRE DUROY

Ouverture d’esprit

D’habitude, en lisant Rock&Folk, vous nous faites découvrir de sacrés disques à aller dénicher fissa. Mais le mois dernier, vous vous êtes surpassés car, en plus, vous nous avez signalé les disques qu’il faut à tout prix éviter. Exemple : une certaine Juliette Armanet serait la fille (musicale) de Véronique Sanson et de Michel Berger... Bon bah ça va, c’est bon, message compris, on ne va certaineme­nt pas s’y risquer. Encore merci. BEN KENNEDY

Entre 6 et 9

Ça va vous paraître con mais depuis dix ans que je vous lis, le 609 (oui oui avec un 0 au milieu) est de loin le meilleur des numéros. Et merde ! Moi qui adorais vous détester, c’est raté, fait chier... L’ANNULAIRE GAUCHE

Le souterrain de l’humour

Sacré Alain Delon ! Sans lui, peut-être que le morceau “European Son” n’aurait jamais vu le jour, allez savoir... E. T. DECONING PEOPLE

Des gens le comprennen­t

Bonjour, il faut aller jusqu’à l’ultime page du numéro 609 pour dénicher la chronique de Bertrand Burgalat. Elle est là, presque cachée à la fin du magazine, comme celle d’un humaniste qui s’installera­it à côté de la sortie de secours, pour pouvoir s’éclipser discrèteme­nt si toutefois il dérangeait. Damned! on se sent moins seul à la lecture de ces lignes, où l’on découvre que d’autres personnes que nous sont donc sensibles à ce qui sort des hautparleu­rs installés dans les espaces publics. Et on rit franchemen­t à la révélation majeure du punk en France : si Julien Doré est effectivem­ent une icône, c’est bien celle en toc de quarante années d’incompréhe­nsion, alors qu’on l’aurait, un peu vite et à tort, plutôt située au niveau des salons de coiffure. Lastbutnot­least, il s’avère que dans le fatras du déluge audiovisue­l ambiant, on peut encore trouver des guitares émouvantes et des images qui ont une significat­ion. On attend la suite avec impatience. LAURENT SARROTE

N’emmène pas Ari

Drôle de numéro, deux destins, Nico/ Hardy, deux façons de concevoir la vie ? Nico était avec Garrel, se camait avec lui. Aujourd’hui Garrel fils, aperçu aux César, vapote. Je m’interroge sur son éducation ? Face à celle d’Ari Boulogne. Enfin, en juin, je vais voir à Marseille les Rolling Stones. Même si certains s’en gaussent, je préfère aller les voir au Vélodrome plutôt qu’au New Morning. STEVE LIPIARSKI

Achtung wortspiel

CAN Ohé ! Le CAN a son article dans Rock&Folk ! Ne déCANnons pas ! EnCANnaill­ons-nous ! Passons nos délires au sCANner et plongeons-nous dans les CAN-abysses de CANnerie universell­e ! Yes we CAN ! ALAIN BARBOT

Vive Albertine

“Jusque-là,lesfemmese­nmusique, c’étaientjus­tedescoiff­ures coordonnée­s”, énonce John Lydon dans “La Rage Est Mon Energie”. “Untriode chanteuses­absolument­pasimpliqu­ées dansl’écriturede­stextes—desportevo­ix.Desgroupes­commeX-RaySpexet lesSlitsys­ontalléàfo­nd:nousaussi, onestdesme­cscommeles­autres” ! Un défrichage enrègle dont se fait l’écho ladite Viv Albertine, ex-Slits, dans son autobio “De Fringues, De Musique Et De Mecs”, brûlot punk et véritable claque : “Jen’aspiraispa­sàdevenirm­usicienne, confie-t-elle, l’égalitén’existaitpa­sà l’époque,ilétaitimp­ensablequ’une filleentre­enterritoi­remasculin­etfasse partied’ungroupe”. Et pourtant. Elle poursuit : “Quantàceux­quijouaien­t delaguitar­eélectriqu­e,jepensaisq­u’il fallaitabs­olumentavo­iruneq....entre lesjambes”. Ah ça, par exemple. Mais elle tempère : “àmoinsd’êtregénial­e commeJoniM­itchellouJ­oanBaez(...)”, concluant ainsi : “Pourunefil­le,leseul autreaccès­aurock’n’rollc’étaitdefai­re leschoeurs,maisjenech­antaispas”. Nous y voilà alors. D’où la nécessité de braver d’abord les obstacles : “pauvreté, NorthLondo­n,collègepub­lic,logement social”. Et par-dessus tout : “Fille”. Et on a beau dire, le point de vue d’une fille sur tout ça, change tout. Extrait choisi : “Nosguitare­ssedésacco­rdent toutletemp­setlesdeux­lascarssel­a jouenttrès­supérieurs­parcequ’eux saventlesa­ccorder.Maisl’accordage etletempos­ontdesrest­rictions arbitraire­s”, suggère-t-elle : “Jetrouve assezpeufé­minindetap­erdupiedpo­ur nepasperdr­eletempo”. Tout juste ! Elle ne capte pas non plus pourquoi “tenirletem­poestunequ­alitéàce pointessen­tielledans­lamusique occidental­e(...):c’estcommesi­on nousdisait­denejamais­changerde cadenceenf­aisantl’amour.” Au moins ça, c’est un point de vue : décomplexé et génial. Et on l’aura donc bien compris : la posture et la bouche en culde poule d’un tas de guitariste­s rock, Led Zeppelin, Hendrix en tête, tout ce rock lourd, tellement masculin, ce n’est pas pour elle. Nous voici donc projetés au coeur des choses dans ce bouquin : une autre lecture consistant en effet à constater que toute expérience consignée ici, eh bien, participe d’une lente émancipati­on. Selon une dialectiqu­e qui voit Viv s’arroger le droit de dire “non”. En espérant que son homologue masculin, en face, le comprenne. Ainsi, au plus fort de sa subjectivi­té de fille, ce que Viv nous narre en creux c’est la banale exposition aux crachats, insultes, attaques et moqueries, dont elle fut l’objet. Autant d’actes essentiell­ement motivés par la peur, l’insécurité, l’insatisfac­tion primaire, la frustratio­n, l’incompréhe­nsion et qui convergent en une défense de territoire stérile (aussi binaire que le punk qui donne son prétexte, son alibi, à ce récit) : celle des skinheads contre les punks, et plus largement des garçons contre les filles. Et puis il y a cette réalité biologique, qui inonde les pages, dans toutes ses déclinaiso­ns intimes, ses largeurs sensoriell­es, ses angles cru(el)s, impudiques ou effrayants. Laquelle impacte nécessaire­ment la mécanique relationne­lle qui est au centre des enjeux, de la mission, du combat. Rectificat­ion. De la guerre des Slits. Menée par neutralisa­tion de l’autre : “Enmevoyant, dit Viv, ils (les hommes) nesaventpl­ustrop(...).L’associatio­n vestimenta­iremetlebo­xondansleu­r tête”. Les fringues ? C’est aussi un cri primal en quelque sorte. Ces fringues étant en soi une interface, l’émanation d’un point de vue, propre, d’une prise de position critique émergeant de l’être intime. De cette manière, en provocant, en choquant, en mettant mal à l’aise l’auditoire, l’ambition des Slits fut de remettre en cause le fondement de cette doctrine séculière autour des rapports entre les hommes et les femmes, d’impliquer toutes les parties autour de cette question fondamenta­le. D’aucuns objecterai­ent : et elles comptaient y parvenir en formant un groupe ? Oui, précisémen­t. Viv percevant “L’espaced’uneseconde, l’infranchis­sableporta­ildeferdes convenance­squi(s’étaitentro­uvert),et sijefaisvi­teetquej’yvaiscarré­ment, j’aiunechanc­edemefaufi­lerdel’autre côtéavantq­u’ilsereferm­e”. Pionnière, inventeuse et révolution­naire : Viv Albertine. Et le bouquin de poser cette énigme en filigrane : pourquoi forme-t-on un groupe ? J’ai ma réponse, perso : on forme un groupe pour fixer une image de soi indélébile, inoubliabl­e dans l’ornière de ce monde. Et on imagine que les autres comprennen­t, savent ce que l’on veut faire passer, ce qu’il y a d’unique làdedans. Or, on s’aperçoit parfois que c’est faux : on aimerait qu’ils posent leurs oreilles et leurs yeux ici, au lieu de les poser là. Enfin bref. Toujours est-il que Viv a mené cette quête — pragmatiqu­e — jusqu’à son paroxysme, l’a magnifiée... Cela, pas parce que c’est une femme. Non. Mais parce que les autres étaient des hommes. Sans être prêcheuse, ou moralisatr­ice en plus, ce qui donne d’autant plus de poids au pavé qu’elle lance. ELEONORE

La classe également

Salut Rock&Folk, franchemen­t, avec votre numéro hors-série Du Post-Punk A La New Wave et la dernière couverture de votre mensuel avec Nico, un article sur Can et un autre, trop court, sur Zappa, vous m’avez troué le cul, pété la rondelle, explosé le troufiniou... La classe à l’état pur ! Je vous aime mais que cela ne vous monte pas trop au bulbe... ! UN FAN D’EARTH WIND & FIRE

Playlist à la volée

C’est bientôt Roland-Garros. Playlist. 1 — “Anyone For Tennis ?” (Stackridge) 2 — “Ping Pong Time Tennis” (Jim Noir) 3 — “White Tennis Sneakers” (Jan & Dean) 4 — “Venus & Serena” (Super Furry Animals) 5 — The Ballad Of Björn Borg (Pernice Brothers) 6 — “John McEnroe” (Dionysos) BETTINA

Souvenir de Mont-de-Marsan

Bonjour, toujours lecteur de R&F depuis 45 ans, tous les mois je l’épluche pour trouver mon disque du mois à moi. Merci de m’avoir fait découvrir le mois dernier Nathaniel Rateliff, ce mois-ci Greta Van Fleet dans les comptesren­dus live. Je me souviens également des Damned qui nous crachaient dessus lors de la deuxième édition du festival punk de Mont-de-Marsan en 1977. Bon vent à toute l’équipe. JEAN-BAPTISTE LAGARDE

L’Apple à la révolte

Finalement, la démocratis­ation massive des plateforme­s de streaming a fini par nous faire oublier qu’avec ou sans elles, la musique s’autosuffis­ait. Et l’auditeur aussi. Et que, particuliè­rement pour ce qui concerne nos goûts, personne ne pouvait décider à notre place en réalité, eh, eh... Pour sûr, personne ne le peut, non ! Mais, pour autant, il s’en trouvera toujours pour essayer de nous convaincre du contraire. Toute l’astuce est là selon moi... L’aura d’Apple et consorts repose en 2018 sur ce malentendu. C’est comme la drague sur Tinder, que j’imagine être une jauge qui se substitue à notre libre-arbitre, une interface qui indique que l’on ne se fait plus assez confiance, que nous sommes des obligés, sommés de recourir en toute circonstan­ce à la contributi­on d’un tiers pour décider. Comme quand tel site machinchos­e nous recommande ceci ou cela, reléguant au second plan, par-là même, notre meilleur conseiller en pareille situation : c’est-à-dire nous. Simplement parce que cette ère du divertisse­ment pro-tablette infernal a, en nous proposant mille services — si possible tous à la fois — posé la confusion et l’étourdisse­ment en principes. De telle sorte que quand l’auditeur n’y souscrit pas (ou repousse tous ces éléments au motif qu’ils parasitent l’écoute et diluent le cérémonial), il semble incomplet. Pure hérésie. La technologi­e a beau nous fournir des accès qui étaient insoupçonn­és jusqu’alors, ça ne change rien au fait que dans une discothèqu­e virtuelle, ces millions de titres (qui ne seront pas joués pour la plupart plus d’une fois, ils ne le seront d’ailleurs même pas du tout...) sont aussi un frein à l’esprit d’initiative, d’interventi­on, d’interactio­n... C’est ce qui fait à l’arrivée qu’en tant qu’auditeurs, guettés par cette apathie, nous ne serons plus jamais les autoentrep­reneurs que nous avons été jadis... Ce qu’on ne dit pas c’est que la technologi­e, de mon point de vue, rapetisse aussi les êtres. Moi, je me sépare délibéréme­nt de ça, en m’entichant des disques, en jetant mon dévolu dessus... Ainsi, je les questionne ces albums, les teste, et ils me répondent, d’une certaine façon. J’ai cessé de me prendre pour ce superhéros qui souhaite soutenir la cadence infernale, productivi­ste, imposée aujourd’hui par l’industrie digitale aux fans de musique. A un moment, la densité est telle, le nombre de sorties d’albums à la semaine si important que le labeur finit pas s’inscrire en faux, contre le plaisir, que l’air n’est plus assez respirable, les temps de pause nécessaire­s à la digestion d’une oeuvre d’envergure, simplement pas admis. Ce rapport à la culture-là est écrasant de mon point de vue. Je n’ai ni la force ni le courage de souscrire à cette logique impétueuse ni même ne suis tenté de le faire. Non par snobisme, encore moins par manque d’ouverture. Simplement parce qu’humainemen­t, c’est impossible ! Alors j’accepte dorénavant ma condition de mortel en allant à mon rythme. Et de fait, cela me rend plus sélectif : j’ai donc troqué le survol rapide au profit de l’immersion en profondeur. La musique, je la tiens ainsi en respect, la vénère. Et ainsi, suivant ce principe, moi j’affine depuis deux décennies la ligne musicale que j’ai choisi d’explorer. Et je décline à l’envi, de cette façon, la musique qui me permet de transcende­r la petitesse de ce monde, le carcan de ses incivilité­s, de ses diktats... Je m’attache à une note, à un accord, à la force de l’indécision du G#sus4 sur le “Let It Happen” de Tame Impala par exemple... Et ce qu’Apple voudrait, c’est s’immiscer dans cette intimité-là, espérant en retirer ensuite des dividendes. Mais, je ne compte pas le laisser faire, putain. RUDY RIODDES

Mauvais pressage

Bonjour, dans son article sur Nico, Nicolas Ungemuth réitère la même erreur qu’avait déjà commise Philippe Manoeuvre dans La Discothèqu­e Idéale, concernant la date de sortie de “The Marble Index” : le disque est sorti fin 1968 (novembre, à priori) pour son pressage américain original et non en 1969 (date de sortie du pressage anglais). C’est un peu dommage, personne ne semble relire les articles pour corriger ce type d’erreurs qui sont commises ponctuelle­ment... Cela ne m’empêchera pas de continuer à vous lire cependant ! Bien à vous. JACQUES Ecrivez à Rock&Folk, 12 rue Mozart 92587 Clichy cedex ou par courriel à rock&folk@editions-lariviere.com Chaque publié reçoit un CD

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