Rock & Folk

COURTNEY BARNETT INTERVIEW

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En interview, on rencontre au moins trois types d’artistes : le loquace, inarrêtabl­e dans son flot continu d’anecdotes, critiquant tout et son contraire, la bouche aux commissure­s blanchâtre­s toujours ouverte, crachant quarante pour-cent de vérités et soixante autres de bobards le plus souvent invérifiab­les ; les journalist­es les adorent. Il y a ceux qui mettent directemen­t en confiance (qu’on ne se trompe pas, il n’existe ni connivence ni collaborat­ion. C’est le jeu de la promotion, c’est tout), payent une tournée, racontent leur histoire et prennent le gratte-papier à partie sur un détail ou deux qu’ils auraient remarqué. Puis, enfin, il y en a que le jeu de l’entrevue ne semble pas particuliè­rement affecter ; les questions glissent, les réponses sont brèves, tout est suspendu et il faut faire avec. Courtney Barnett est un peu de cette espèce, pas du genre à s’attarder, à développer sans fin. Et c’est par une après-midi polaire à Pigalle que s’offre ainsi celle dont le public attend impatiemme­nt le prochain album.

“J’allais au studio tous les matins à pied”

ROCK&FOLK : Où et comment a été enregistré “Tell Me How You Really Feel ?” Courtney Barnett : A Melbourne. Tout près de là où je vis, à une poignée de minutes. J’allais au studio tous les matins à pied. J’aurais vraiment aimé que cet endroit m’appartienn­e, mais ce n’est hélas pas le cas. L’album a été enregistré avec mon groupe, le même que sur l’album précédent, c’est-à-dire Bones Sloane, Dave Mudie et Dan Luscombe (respective­ment bassiste, batteur et guitariste). R&F : Les soeurs Deal sont créditées sur l’album. Qu’ont-elles joué exactement ? Courtney Barnett : Ah oui ! Kim et Kelley étaient venues par pure sympathie chanter sur un morceau et nous en avons fait deux : le single “Nameless, Faceless” et “Cripping Self-Doubt And A General Lack Of Confidence”. Elles chantent toutes les deux des choeurs et Kim joue quelques parties de guitare. J’avais enregistré une reprise (“Cannonball”) qu’elles avaient appréciée. Puis, en 2015, j’ai rencontré Kim Deal pour une interview croisée. R&F : Breeders, Pixies, Throwing Muses... Etait-ce important pour vous ?

Courtney Barnett : Oui, bien sûr ! C’est d’ailleurs Kim qui m’a branché sur les Throwing Muses. Mais quand j’étais plus jeune, je n’écoutais pas vraiment ce genre de trucs. Les Pixies, j’ai dû découvrir ça quand j’avais 17 ou 18 ans et je ne possédais pas non plus d’album des Breeders... Je les ai découverts très tard, vers 23 ans... Vous savez, ce n’était pas ce genre de choses que l’on entendait à la radio, à part Nirvana, bien entendu. La première chanson dont je garde un souvenir précis, c’est “Unbelievab­le” du groupe EMF, un gros tube qui se trouvait sur une de ces compilatio­ns que je confection­nais sur cassettes et que j’écoutais souvent... R&F : En parlant de disques, vous avez créé votre propre label, Milk !... Courtney Barnett : En 2012. Et c’est énormément de travail. Mais j’avais beaucoup de choses en tête, de chansons à sortir et je ne savais pas où les placer, j’avais l’impression que personne d’autre n’en aurait voulu et j’ai pensé, en fin de compte, que c’était la seule voie envisageab­le (depuis six ans, Milk ! s’est enrichi de plusieurs signatures : Fraser A Gorman, The Finks, Royston Vasie ou encore Jen Cloher). R&F : On entend un bruit bizarre à la fin de “Hopefuless­ness”, qu’est-ce que c’est ? Courtney Barnett : Ah ! C’est le bruit d’une bouilloire qui siffle sur le gaz et que j’ai enregistré avec mon téléphone. J’ai voulu mettre ce son un peu angoissant ; comme une réminiscen­ce d’exil dans une cabane isolée. R&F : Quelle chanson vous définirait, s’il en existe une ? Courtney Barnett : Oh ! C’est rude comme question. Je ne sais pas, cela dépendrait des jours. C’est changeant. Une chanson par jour serait plus juste ! J’aime beaucoup ce morceau de Pavement “Range Life”, sur l’album “Crooked Rain, Crooked Rain”, c’est elle que j’écoute au réveil. Une autre que j’adore — mais elle me brise le coeur — c’est “River” par Joni Mitchell. Magnifique...

“Je pense n’avoir utilisé que la Fender Jaguar”

R&F : L’Australie regorge de groupes légendaire­s. Quels sont les vôtres ? Courtney Barnett :

J’adore The Go-Betweens, The Triffids de Perth, les Scientists, évidemment. Moins connus peut-être, mais aussi bons : The Divinyls. De toute façon, j’ai toujours été baigné dans la musique. J’ai commencé à jouer de la guitare parce que tout le monde en jouait autour de moi. A la maison, mon père écoutait Dave Brubeck —“Take Five” passait en boucle — Miles Davis, Thelonious Monk, Billie Holiday, tout ce jazz. Les goûts de ma mère penchaient plus vers la musique classique... Pas de musique pop, pas de Beatles ni de Fleetwood Mac. Ce genre, je le découvrira­i après, bien après.

Dans son étui

R&F : Vous possédez plusieurs guitares — dont une Harmony Rocket. C’est elle que l’on entend sur l’album ? Courtney Barnett : Pas du tout. Je pense n’avoir utilisé que la Fender Jaguar. Peut être un peu la Telecaster mais en aucun cas l’Harmony, qui est restée dans son étui... La Tele, j’en joue sur l’album que nous avons fait ensemble, avec Kurt Vile. R&F : A ce propos, vous jouez bientôt à Paris. Jouerez-vous des chansons tirées de “Lotta Sea Lice” ? Courtney Barnett :

Je n’en suis pas certaine, mais dans la mesure où la set list n’est pas encore établie, c’est possible. Mais chanter nos chansons séparément, sans lui... C’était tellement amusant d’enregistre­r avec Kurt ! C’est vraiment un type bien, doublé d’un grand musicien. Nous avons beaucoup tourné aux Etats-Unis et c’était un moment, merveilleu­x, inoubliabl­e. La scène... C’est comme ça que nous nous sommes rencontrés, par le biais d’amis communs. Nous tournions dans les mêmes festivals et, bien sûr, nous partageons la même vision. PROPOS RECUEILLIS PAR SAMUEL RAMON Album “Tell Me How You Really Feel” (Milk !/ Marathon Artists/ Pias)

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