Arctic Monkeys
“Tranquility Base Hotel & Casino” DOMINO
Difficile d’être une rock star en 2018. Dernier représentant d’un genre en voie de désuétude, Alex Turner connaît une crise existentielle (“Jevoulais justeêtreundesStrokes,maintenant regardelebazarquetum’asfaitfaire” dit-il en ouverture) et a décidé de ralentir le tempo pour composer des chansons mélancoliques au piano, réinventant complètement son groupe dans le processus de création. Sa façon à lui, sans doute, de montrer qu’il est désormais adulte, quitte à tomber dans quelques clichés. Forcément, au vu des ambitions affichées et des influences revendiquées (Jean-Claude Vannier, David Axelrod, Scott Walker...), l’album est doté d’une production somptueuse qui permet au bassiste Nick O’Malley — ici constamment en première ligne — de signer des parties néosixties magnifiques. Le public, qui avait porté les Arctic Monkeys clinquants de “AM” au sommet des charts, va sans doute se déchirer au sujet de ce “Tranquility Base Hotel & Casino” aussi sophistiqué qu’exigeant. Formidable quand les mélodies suivent (“The Ultracheese”, l’instant “Hunky Dory” du disque), passionnant quand Turner laisse son flow glisser sur des grooves soul (comme sur le morceau-titre) ou que les grilles d’accords, appuyées par son piano, sont marquées d’une forme d’évidence (“One Point Perspective”), l’album pêche parfois par son côté contemplatif trop appuyé et son manque de refrains marquants. On peut être fasciné par le côté rock star en peignoir qui noie son ennui dans le Martini au bord de la piscine de sa villa hollywoodienne, on peut aussi préférer “Odelay” à “Sea Change” et regretter le tournant pris par Alex Turner sur ce disque qui s’apparente à un disque solo déguisé — même s’il s’en défend. Un disque ambitieux, fascinant, mais imparfait. ✪✪✪ ERIC DELSART