The Sound
“JEOPARDY, FROM THE LION’S MOUTH, ALL FALL DOWN... PLUS”
Depuis plusieurs années, la mode est aux années suivant immédiatement l’explosion punk. Pour une fois, ce n’est pas une ânerie tant cette période fut riche des deux côtés de l’Atlantique, mais plus particulièrement au Royaume-Uni, où il semble que le Big Bang de 1977 ait finalement débouché sur des albums moins bons que ceux auxquels ils ouvraient la porte. Pour un album des Pistols, combien de Sham 69, Members, Skrewdriver et autres 999 ? L’Histoire retient donc de cette période ceux qui sont devenus légendaires (The Fall, Joy Division, Echo & The Bunnymen, Teardrop Explodes, Magazine, etc.), et ceux qui sont devenus des stars mondiales quelques années plus tard, des meilleurs (qui eut pu imaginer à l’époque de “Seventeen Seconds” ou “Faith” que les Cure joueraient un jour dans des stades aux Etats-Unis et deviendraient des stars mondiales ?) aux pires (U2, sérieusement ?). Hélas, comme dans tous les grands épisodes, il y eut des injustices flagrantes. On les connait par coeur : Johnny Burnette dans les fifties, Zombies pour les sixties, MC5 aux Etats-Unis, la liste est interminable. Pour les années post-punk, plus personne ne cite The Sound, qui a eu l’honneur de deux coffrets fabuleux sortis en 2014 mais qui avaient échappé à nos radars, et qui sont à nouveau disponibles aujourd’hui. Et pourtant... Et pourtant, le Londonien Adrian Borland avait sorti un album très punk dès 1977 avec son premier groupe, The Outsiders (ne pas confondre avec les Américains sixties responsables du classique “It’s Cold Outside”), très stoogien. Après quelques changements de personnel, il montait The Sound, dont le premier album devait sortir en 1980 sur le label pseudoindé de Warner, Korova (révisez “Orange Mécanique”), tout content d’avoir signé les Bunnymen. “Jeopardy” est un classique post-punk ultra féroce et habité, sur lequel Borland chante comme Jeffrey Lee Pierce
Synthés acides, basses au médiator et guitares angulaires
avant l’heure (“Missiles”, monstrueux), signe des classiques déments (“I Can’t Escape Myself”, “Heyday”, “Jeopardy”), tandis que son groupe sort l’arsenal de ces années-là : synthés acides, basses au médiator et guitares angulaires, pour reprendre l’expression consacrée désignant les saillies typiques de l’époque (Gang Of Four, Wire etc...). Un an plus tard, avec plus d’argent, The Sound sort son chefd’oeuvre, “From The Lions Mouth”, avec sa fameuse pochette, une reproduction de la magnificence préraphaélite de Briton Rivière, “Daniel Dans La Fosse Aux Lions”. Produit par Hugh Jones, fraîchement auréolé pour son travail sur “Heaven Up There” d’Echo & The Bunnymen. “From The Lions Mouth” change de cap : les guitares sont plus rares, les chansons plus atmosphériques. C’est tout ce que U2 n’est jamais parvenu à faire, tandis que Borland s’explose littéralement la gorge sur les splendeurs que sont “Winning”, “Skeletons”, “Silent Air” ou “New Dark Age”. Il s’agit de l’un des plus grands albums de l’après-punk. Hélas, malgré des critiques dithyrambiques, le disque ne fonctionne pas et Korova ne semble se préoccuper que des Bunnymen. The Sound sortira un dernier album chez Warner, le mitigé mais recommandable “All Fall Down”, avant de se faire remercier et de trouver un hébergement chez Statik, sous-label de Virgin (“Wildweed”, de Jeffrey Lee Pierce, les Chameleons). Le groupe sortira deux albums très corrects, trouvables sur le second coffret, “Shock Of Daylight”, “Heads And Hearts” (le premier produit par Pat Collier, responsable du grand “Underwater Moonlight” des Soft Boys), au moment précis où la maladie mentale de Borland commence à être de plus en plus indéniable. On lui diagnostique une schizophrénie. The Sound est terminé et ces deux coffrets, idéalement conçus, ajoutent aux albums officiels des raretés live sublimes, des séances chez John Peel, qui était fanatique du groupe, et l’album “Propaganda”, enregistré chez Borland sur deux pistes durant la transition entre les Outsiders et The Sound. Après The Sound, Borland a produit quelques groupes et a sorti en solo plusieurs albums très intéressants. On se souvient l’avoir interviewé à la fin des années 80. Un homme taiseux, poli et un peu absent. En 1999, on apprenait qu’il s’était suicidé en se jetant sous un train. Il a eu droit à quelques entrefilets dans la presse spécialisée : rien de comparable avec Ian Curtis. Sur “Silent Air” (“From The Lions Mouth”), déjà, il chantait les mots suivants : “You showed me that silence can speak louder than words”.
“SHOCK OF DAYLIGHT”, “HEADS AND HEARTS”, “IN THE HOTHOUSE”, “THUNDER UP”, “PROPAGANDA” Edsel (Import Gibert Joseph)