Rock & Folk

Happy !

Un psychopath­e pédophile déguisé en père Noël dégingandé

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Depuis que Netflix est devenu un nid pour scénariste­s aux idées les plus tordues,

on y voit débarquer des séries totalement impossible­s à concevoir au bon vieux temps de “Santa Barbara” et de “Joséphine Ange Gardien”. Comme la joyeusemen­t foutraque et déjantée “Happy !”, sorte de “Roger Rabbit” sous acide. Soit les aventures de Nick Sax, ex-flic ripou devenu tueur à gages sans pitié ni morale, dépressif et fiévreux, porté sur la violence gratuite et les substances vaguement licites (il se shoote aux médocs) et qui, sans l’avoir vraiment cherché, doit retrouver une petite fille kidnappée par un psychopath­e pédophile déguisé en père Noël dégingandé. Sax étant accompagné dans sa mission kamikaze par... une petite licorne bleue volante ! Une créature de cartoon qui semble s’être échappée d’un Disney et que lui seul peut voir. Et qui, bien que semblant être une métaphore absurde de sa conscience torturée, sort en fait de l’imaginaire niaiseux de la petite kidnappée. Pour arriver à ses fins, Nick Sax va devoir contrer les gangsters les plus dégénérés de la ville qui, euxmêmes, recherchen­t un mystérieux mot de passe que Sax aurait en sa possession. Dans un déferlemen­t de violence ultra pop et absurdemen­t gore, Grant Morrison et Darick Robertson adaptent, à la case près, leur propre bande dessinée culte (publiée en France chez Delcourt) dont le ton outrancier est donné dès la première séquence de l’épisode 1, quand Sax se tire une balle dans la tête tout en entamant, flingues aux mains, une danse tribale tandis que des hectolitre­s de sang s’échappent au ralenti de son crâne à moitié ouvert. Excellent second rôle traînant sa bouille de macho endurci dans quelques séries fameuses (de “Oz” à “True Blood” en passant par “NYPD Blue”), Christophe­r Meloni — à fond dans le personnage du flingueur cynique — rappelle quelques célèbres durs à cuire : il a la dépression rock de Mel Gibson dans “L’Arme Fatale”, la frénésie maladive de Jason Statham dans les multiples volets de “Hyper Tension” et le masochisme outrancier du faux shérif de la série “Banshee”. Malgré sa gueule en sang, ses muscles froissés et des balles plein la peau, il ne passe pas pour autant de vie à trépas. Comme s’il était également investi par l’âme de Terminator ! Volontaire­ment dingues et biggerthan­life — voire biggerthan­death! — les huit épisodes de “Happy !” (nom de la licorne bleue) se visionnent avec la même impression sensitive que si on sniffait, d’une traite, une ligne de coke de trois kilomètres de long. Sans l’ombre d’un temps mort et avec de la provocatio­n outrancièr­e dans chaque plan. Quitte même à friser le grand n’importe quoi. Voir cette séquence absurde où la licorne croit mordicus que des godemichés colorés qu’elle aperçoit seraient des carottes magiques qui font voir les rennes! Les effets de mise en scène sont à l’avenant de ce feuilleton déjanté. Tournée en grande partie en focale courte histoire d’écraser les visages sur l’écran, la série insiste sur les effets tape-à-l’oeil. La caméra allant s’imbriquer partout où elle peut, du ras du sol, à l’intérieur d’une bagnole en plein roulé-boulé en passant par des contre-plongées dantesques que n’aurait pas reniées le Clint Eastwood de “L’Evadé D’Alcatraz”. Une hystérie ambiante agressive et déviante qui obligera les adeptes d’un cinéma plus posé (Ozu, Tarkovski) à laisser passer trois jours entre la vision de chaque épisode, histoire de se reposer les iris. Carton aux Etats-Unis, “Happy !” aura droit à sa saison 2. Tournée cette fois en Licornoram­a, qui sait ? (en diffusion sur Netflix)

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