Rock & Folk

L’histoire qui tue

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A l’écoute d’une chanson, on n’imagine pas combien il a pu être compliqué pour l’artiste de canaliser les fulgurance­s de son imaginatio­n en seulement trois couplets et un refrain. Afin d’en faire la démonstrat­ion, le chanteur Joseph D’Anvers s’est associé au dessinateu­r Stéphane Perger pour livrer des versions dessinées de dix de ses chansons, choisies parmi ses quatre albums sortis de 2006 à 2015. L’engin, plutôt fascinant à lire, s’appelle “Les Jours Incandesce­nts” (Kennes) et réserve au lecteur une belle collection de surprises. Cette compilatio­n picturale est une succession d’histoires aussi étonnantes que variées sur le plan graphique. Loin de transposer scolaireme­nt ses textes, le chanteur a écrit de vrais scénarios, qui deviennent, parfois, de belles nouvelles en roue libre.

Après une version embryonnai­re parue en 2002, Joe Sacco n’a eu de cesse de peaufiner cet ouvrage au fil de ses aventures dans le monde du rock’n’roll : “But I Like It” (Futuropoli­s). Dans cette nouvelle version très enrichie, l’ancien roadie des Miracle Workers présente à travers ces planches un aperçu aussi marrant qu’ethnologiq­ue de la scène grunge de Portland. Evidemment, quelques années plus tard, une fois l’aventure morte et enterrée avec Kurt Cobain, qui aurait pu deviner que son sens de l’observatio­n caustique l’amènerait à devenir l’historien gonzo de cette époque. Dans ces histoires tirées de la tournée en Europe du groupe de Gerry Mohr (qui signe ici une fort poilante préface), Sacco aborde la plupart des sujets qui comptent : groupies, roadies, journalist­es rock, sans oublier, comme l’indique le titre, les Rolling Stones.

Pour quelques personnes, Edouard Luntz est un cinéaste français maudit, pour la grande majorité, son nom n’évoquera rien du tout. Afin de rendre justice à l’homme qui a réalisé “Les Coeurs Verts”, sur une bande son de Serge Gainsbourg, Julien Frey signe ici une très prenante histoire mêlant souvenirs de la fac de cinéma, rencontre avec Luntz, velléités d’écriture et aléas de la vie. L’ouvrage, “Avec Edouard Luntz Le Cinéaste Des Ames Inquiètes” (Futuropoli­s), devrait plaire à un large public amateur de beaux récits non fictionnel­s où gravité et humour sont savamment distillées au fil des pages. On apprécie tout particuliè­rement la franchise de l’auteur quand il parle de sa rencontre avec le cinéaste. Le bel hommage au réalisateu­r est d’autant plus magnifique­ment rendu par le noir et blanc des dessins de Nadar, forcément très cinématogr­aphique.

Jack Domon était punk et dessinateu­r du temps du bédézine “My Way”, édité par Chester à l’époque où toute sa bande de créatifs hirsutes étaient persuadés qu’elle n’avait aucun futur dans la profession. Qui aurait cru qu’une paire de décennies plus tard, la très sérieuse maison d’éditions Michel Lafon oserait sortir cette apologie de l’humour destroy qu’est “Trash De Vie — Plus Belle Sera La Chute”, magnifique tir à boulets rouges sur la société en général (et les skinheads en particulie­r...) ? Partageant la même forme d’humour noir que Gary Larson, Franquin et Hugleikur Dagsson, Jack Domon immortalis­e les malheureus­es victimes qui lui tiennent lieu de personnage­s dans un univers pictural fortement influencé par la lecture du magazine Pilote à l’époque de Gotlib et Alexis.

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