In The Sixties
BARRY MILES Castor Music
La lecture de “In The Sixties” de Barry Miles doit être réservée aux âmes fortes et généreuses, les autres ne supporteront pas cet étalage de moments magiques avec la plus folle brochette de gens célèbres de l’histoire du rock et de l’underground et seront sujets, tout au long de ce livre, à d’insupportables crises de jalousie particulièrement vivaces. Car Barry Miles a indiscutablement vécu le meilleur des années soixante à la meilleure des places et son récit formidablement circonstancié, est un témoignage unique d’un exceptionnel point de vue. Rentré à seize ans aux beaux-arts en 1959 et sûrement particulièrement aventureux et sympathique, il a très rapidement frayé avec tous les autres jeunes artistes du petit monde londonien qui allaient révolutionner la musique, les arts et les moeurs. Devenu bestmate du jeune et très cool Paul McCartney et de pas mal de ses pairs, il a vécu au coeur du Swinging London une vie fabuleusement riche de rencontres et d’expériences dans la flamboyante créativité de ces années-là. Libraire, par nécessité, spécialiste en contre-culture, il finira par ouvrir la fameuse librairie Indica avec McCartney et gérera ensuite le label Apple pour les Beatles avant de fonder le journal IT et de connaître une belle carrière d’auteur rock. C’est grâce à son bon pote Allen Ginsberg qu’il eût la bonne idée de consigner, au début des années 70, tous ses souvenirs de la décennie précédente et qu’il peut ainsi, malgré les drogues ingérées alors, raconter avec un tel luxe de détails, ses aventures dans l’underground le plus intéressant et le plus pointu. Burroughs, Pink Floyd, Brautigan, Brian Jones, les Beatles au complet, Lawrence Ferlinghetti, les Rolling Stones, Timothy Leary, Patti Smith, Robert Mapplethorpe, entre autres dizaines de gens impressionnants, furent ses amis sans que jamais Miles ne paraisse justement impressionné par autre chose que leurs talents et sans qu’il ne semble changé, blasé ou snob. Parce que non seulement, il bossait avec, s’amusait avec, mais a participé ou assisté à mille moments légendaires. Malgré tout, le grand charme de ce livre tient sûrement aussi à ces descriptions d’une Angleterre innocente et empesée, qui se remettait alors à peine de la guerre et dont la tristesse et le poids des conventions expliquent en grande partie la frénésie libératrice qui s’ensuivit. Indispensable lecture sur les sixties.