Father John Misty
SUBPOP/BELLAUNION Le quatrième album de Josh Tillman sous les traits de son sarcastique, séducteur et misérable alias Father John Misty est celui qui brouille le plus les pistes entre récit autobiographique et vie fantasmée. Loin du road trip sous psychotropes qu’était “Fear Fun” ou de l’ode à l’amour inconditionnel que déroulait son successeur “I Love You Honeybear”, ce nouveau disque marque une étape décisive. Il est question ici de dépression, de paranoïa, d’effondrement des certitudes, d’amour déchu. L’insouciance et le cynisme ont laissé place au désenchantement. Du côté de la production, Jonathan Wilson se met en retrait et passe la main à Jonathan Rado, multiinstrumentiste créatif, moitié du duo Foxygen et producteur de “Do Hollywood”, l’incontestable réussite des Lemon Twigs en 2016. Malgré ce CV laissant supposer un penchant certain pour l’emphase et les arrangements généreux, “God’s Favorite Customer” est un album assez dépouillé. Si l’on y retrouve certains éléments habituels (choeurs en pagaille, théâtralité de l’interprétation), le chant de Tillman est servi par une instrumentation moins chargée que par le passé. Comme si ses paroles amères, exorcisant une douleur personnelle, exigeaient un écrin moins tape-à-l’oeil. Il est donc nécessaire d’oublier un peu la fougue des débuts. Cette aisance narquoise avec laquelle Tillman passait de la soul à la country, du folk au glam. Ici, le piano et la voix occupent l’essentiel de l’espace pour une confession intimiste, une parenthèse de spleen où le songwriter démontre une fois de plus qu’il ne fait que ce qu’il veut, quitte à décontenancer. Le revers de la médaille, c’est que si les paroles sont belles à pleurer, les mélodies sont plus oubliables. JOE HUME