Eleanor Friedberger
Nappes de synthé, boîte à rythme, reverb sur la voix, guitares sous mixées ? Pas de doute, on est bien revenu au milieu des années 80. Mais au fond, la démarche d’Eleanor Friedberger sur “Rebound” n’est pas si différente de celle de ses albums précédents. Là où elle reprenait les codes d’un rock FM années 70, la chanteuse des Fiery Furnaces s’approprie ici les sons plus électroniques de la décennie suivante. Elle réussit à nouveau à exprimer une personnalité plus feutrée et nuancée au milieu d’un cadre qui semble pourtant très, très formaté. L’époque lui convient peut-être même encore mieux, permettant à Friedberger d’enregistrer elle-même la majeure partie de l’accompagnement, et donc de s’autoriser, dès qu’elle en a l’envie, des ruptures et des relances qui changent en un clin d’oeil la physionomie d’un morceau comme “In Between Stars”. La chanteuse ne va d’ailleurs heureusement pas jusqu’au bout d’un hommage à un son bien particulier, elle tire surtout de cette pop synthétique une sorte d’ambiance nocturne, où Joy Division et Kim Wilde se confondent à force comme autant de souvenirs de jeunesse en boîte de nuit. Ce qui débouche sur des réussites incontestables sur l’album comme “Make Me A Song” ou “Everything”, des titres carrés et rythmés. Le disque ne cesse d’ailleurs jamais d’aligner des mélodies séduisantes, comme “Showy Early Spring”. Il a peut-être tendance à trop se cantonner, sur la fin, à des tempos un peu répétitifs, mais il constitue un antidote bienvenu à la célébration kitsch façon “Stars 80” et kilos de laque sur les cheveux. Il rappelle une décennie où l’on faisait table rase du passé et où l’on s’aventurait dans des terres synthétiques et inconnues. 1/2 FRANCOIS KAHN