Expliquer ce qu’est YouPorn
Star de la BD thaïlandaise, Art Jeeno commence à conquérir l’Hexagone, après le Japon où sa manière très personnelle de mélanger le roman graphique, le manga et l’aquarelle n’est pas passée inaperçue. Avec ce premier volume de la trilogie “Juice” (Çà Et Là), l’auteur raconte les tribulations de trois collégiens thaïlandais qui se rencontrent grâce à la musique. Dans ce premier tome, l’histoire débute avec le personnage de Mon dont la seule raison d’aller en cours est l’espoir de rencontrer l’âme soeur. A défaut d’une copine, il fait surtout la découverte d’un univers strict et d’une existence sans enthousiasme. Comme il le remarque très vite, même si on n’en meurt pas, on s’y ennuie très rapidement. C’est là qu’intervient le personnage de Tim, qui profite d’une sorte d’après-midi culturelle pour jouer une version yaourt particulièrement jouissive de “Blitzkrieg Bop”. Choc frontal entre “Blackboard Jungle” et “Rock’N’Roll High School”, cette BD donne une image de la jeunesse thaïlandaise très éloignée des clichés habituels.
Quand le casque de Daft Punk fait des émules chez les fans de jeux vidéo des années 90, cela donne le personnage de Janski le DJ, avatar de Jean-Sébastien Vermalle pour mieux affronter la scène. Parallèlement à ses remixes électro des BO de Zelda, le musicien multifonctionnel s’est aussi transformé en dessinateur pour donner une nouvelle vie en 2D à son personnage, en imaginant une histoire postapocalyptique à la sauce 2000 AD qui devrait embarquer dans l’aventure les fans de Judge Dredd et de Tank Girl. L’histoire, préalablement sortie sur le blog de l’auteur, est désormais disponible chez Delcourt sous le nom de “Janski Beeeats” avec une accroche survivaliste qui ne peut laisser personne indifférent. Dans un futur proche, une expérience tentée par un laboratoire pharmaceutique tourne à la catastrophe. Né avec le virus de la pesteviolette sur le visage, Janski découvre qu’il peut contrôler le mal uniquement s’il joue de la musique électro sans s’arrêter.
Aussi bien dessinée qu’elle peut l’être, une BD n’existe vraiment qu’associée avec une bonne histoire. Partant de cette affirmation, le lecteur va pouvoir se jeter, sans hésitation, sur “Les Petites Distances” (Casterman) du duo Camille Benyamina (dessin) et Véro Cazot (scénario). Max est un jeune adulte qui manque cruellement de personnalité et que tout le monde ignore sauf quand il chante du Radiohead. Un jour, la situation a tellement empiré qu’il en devient complètement invisible aux yeux de son entourage. Loin d’être effondré par la situation, il en profite pour squatter l’appartement de Léo, une fille a l’imagination tellement fertile qu’elle s’est créée toute une collection de monstres imaginaires planquée dans ses placards. C’est le début d’une cohabitation étrange au dénouement pour le moins surprenant.
BD chorale à la manière du film “Magnolia”, “Lune Du Matin” (Atrabile) concoctée par le natif de Bologne Francesco Cattani est une belle réussite. Dans cette BD joliment dessinée, une poignée de personnages truculents se percute violemment à la fin d’un espace-temps prédéterminé. Dans la périphérie d’une ville industrielle triste à mourir et où plus rien ne fonctionne, le jeune Tommi sèche l’école sans même essayer de comprendre pourquoi la canicule sévit encore alors que les employés municipaux sont en train d’installer les décorations de Noël. Autour de lui, son frère aîné, qui se prend pour plus rusé qu’il ne l’est, essaye de refourguer des DVD classés X à une vendeuse de sex shop qui tente de lui expliquer ce qu’est YouPorn, tandis qu’un bar minable dissimule un salon de massage clandestin. A partir de là, c’est le début d’un grand chassé-croisé qui ne pourra que se terminer dans le décor. ❏