Rock & Folk

“Je ne comprends pas pourquoi désormais tout le monde dit aimer ‘Exile’ ”

- Mick Jagger

Contre : Face aux nouveaux arrivants (New York Dolls, Brian Eno), les Stones opposent un savoir-faire déjà entendu.

Pour : Du déjà entendu de ce niveau, on en redemande. Violent et triste, un album peu cité, alors qu’il mérite le titre de classique.

“It’s Only Rock ‘N Roll” (1974)

Contre : Les Stones font du Stones, sans se fouler. Ça envoie bien, mais tout est cousu de fil blanc, aucune limite n’est repoussée — pas besoin de composer de chefs-d’oeuvre, suffit d’arranger des jams de fin de soirée, la tête dans le derrière. Autour d’eux, le rock évolue, avec Robert Wyatt, Kraftwerk ? Ils s’en tapent, ils sont les Stones.

Pour : L’ensemble reste d’un niveau impression­nant, surtout grâce aux trois morceaux de plus de 6 minutes. “If You Really Want To Be My Friend” et “Fingerprin­t File” : une définition du cool. Sur “Time Waits For No One”, un élément relance la machine Stones : le funk — façon Can, rampant, méchant, vicieux. Les Stones 70/ 80 se transforme­nt à l’occasion en implacable machine funk — voire R&B.

“Black And Blue”( 1976)

Contre : C’est là qu’un doute s’installe : en pleine tornade “Born To Run”, au moment où Pistols et Ramones débarquent pour tout saccager, les dinosaures balancent un album pépère, vaguement reggae, réellement faiblard. Ron Wood a définitive­ment remplacé Mick Taylor : est-ce une bonne idée ?

Pour : Dommage que tout ne soit pas au niveau du funk de “Hot Stuff”, de la soul langoureus­e de “Fool To Cry”, et de “Memory Motel”, chanté en duo par Mick et Keith.

“Some Girls”( 1978)

Contre : Présenté comme la réponse des Stones au pounk (et à cette attaque de The Clash : “No Elvis, Beatles, or the Rolling Stones !”), par rapport à certains disques 78 (PiL, Cars), l’album, malgré son énergie, ses trois guitares, sonne comme un disque de trentenair­es.

Pour : De trentenair­es au top de leur forme, avec Ron Wood qui débarque pour lui aussi foutre le feu. Richards : “Contrairem­ent aux punks, nous, on sait jouer.” Contre : La moitié de l’album n’est pas si géniale. Pour : Aucun mauvais morceau. Les sommets : “Shattered”, la belle ballade country “Far Away Eyes”, “Beast Of Burden”, “Some Girls”... Ah, et oui, “Miss You”, disco-rock faramineux, hallucinan­t.

Contre : Raquel Welch porte plainte : la pochette, qui exhibe les Stones travestis au milieu de Brigitte Bardot, Gina Lollobrigi­da, Farah Fawcett, Kim Novak, est censurée. Ce n’est pas obligatoir­ement un album très féministe. Jagger, installé à New York, va divorcer de Bianca (traitée de “queen of porn”), il fréquente Jerry Hall, chantant, dans “Miss You”, “I’ve been sleeping in the Hall”. Pour : S’ils disent, dans “Respectabl­e”, “Now

we’re respected in society”, c’est pour parler d’une respectabi­lité de fripouille­s friquées, à faire passer The Clash pour de barbants apparatchi­ks du politburo punk-rock.

“Emotional Rescue”( 1980)

Contre : Le nouveau son, c’est Joy Division, DAF. Le nouveau rock’n’roll : Motörhead, Cramps. En comparaiso­n, “Emotional Rescue”, une version relax et club de “Some Girls”, sonne à côté de la plaque.

Pour : Le bouleversa­nt “All About You”, chanté par Keith, qui se sépare d’Anita Pallenberg (il a rencontré Patti Hansen et arrêté l’héro) : “On avait ce morceau, je savais plus d’où il sortait, j’ai fait des recherches, et il semblait bien que c’était

moi qui l’avait composé.” “Dance”, co-signé par Ron Wood : les choeurs vaudous de Max Romeo foutent le feu. “She’s So Cold”, mi-new wave façon Cars, mi-rockab’ à la Alan Vega — dans le mille. Et le sublime morceau-titre, trop mal-aimé, “Emotional Rescue”, au groove sexuel et hypnotique — la comparaiso­n avec les Bee Gees n’est pas la plus appropriée, Jagger déclarant : “Mon falsetto ? Je n’étais pas le seul à chanter comme ça : à l’époque, il y avait aussi Prince.” En fait, “Emotional Rescue” souffre d’un malentendu : Mick Jagger passant ses nuits au Studio 54 avec la jet-set, il est accusé de faire plonger les Stones dans le disco. Faux. Même en utilisant des éléments disco, les Stones restent les Stones, et leurs rares incursions aux frontières du genre produisent des morceaux déments.

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