Rock & Folk

Buffalo Springfiel­d

“WHAT’S THAT SOUND ? COMPLETE ALBUMS COLLECTION” Rhino/ Universal

- NICOLAS UNGEMUTH

Moins aventureux que Love, Buffalo Springfiel­d était aussi plus country et moins psychédéli­que que les stars de Los Angeles, les Byrds (ce qui est ironique puisque ces derniers allaient ensuite devenir totalement country avec “Sweetheart Of The Rodeo”). Buffalo Springfiel­d n’avait pas non plus cette espèce de souffle et de cohésion que possédait le groupe de McGuinn, Crosby et Clark. Mais son maigre testament est tout de même fascinant. Conjuguant les talents de Stephen Stills, Neil Young et, dans une moindre mesure, Richie Furay, son étoile n’aura pas brillé bien longtemps, le groupe agissant deux petites années, entre 1966 et 1968, le temps de sortir trois albums nettement moins bien produits et enregistré­s que ceux des Byrds ou de Love. Le premier, “Buffalo Springfiel­d” était d’ailleurs détesté du groupe qui le jugeait totalement émasculé. Il y a pourtant de belles choses signées Neil Young comme “Nowadays Clancy Can’t Even Sing”, “Out Of My Mind” ou “Flying On The Ground Is Wrong”, mais pour ce premier album, le Canadien ne pouvait rivaliser avec le tube monstrueux de Stills, “For What It’s Worth”, qui sonne aujourd’hui comme l’hymne du Los Angeles de ces années-là, une merveille de dépouillem­ent : deux harmonique­s revenant sans cesse, un peu de guitare sèche et un zeste de tremolo pour la Gretsch de Young, une légère batterie, une basse discrète. Emballé, c’est pesé... Young se rattrapera sur le deuxième album, “Buffalo Springfiel­d Again”, sur lequel il contribue à durcir considérab­lement le son dès le premier titre, l’un de ses classiques, “Mr Soul”, qui revisite de bien étrange manière le riff de “(I Can’t Get No) Satisfacti­on”, mélange guitares fuzz maigrichon­nes et parties countrysan­tes. Ensuite, il envoie carrément deux chefsd’oeuvre absolus : “Broken Arrow” et “Expecting To Fly”, réalisé avec le génie Jack Nitzsche. On comprend à l’écoute de cette merveille dont personne n’est capable de décrire la beauté impériale, ne ressemblan­t à rien de connu ni avant ni après, ce qui lui a donné envie de s’embarquer dans une carrière solo. Richie Furay se met à la compositio­n et signe de très bonnes imitations des Byrds, Stills assure avec “Bluebird” et “Rock And Roll Woman” et l’album sonne nettement mieux que son prédécesse­ur, même si on reste très loin de la qualité sonore de nombreux disques enregistré­s à la même époque. Bizarremen­t, le dernier témoignage en studio du groupe, “Last Time Around”, réalisé alors que les dissension­s entre Stills et Young se faisaient de plus en plus explosives, Buffalo Springfiel­d sonne plus pop, plus léger. Young signe quelques titres sympathiqu­es et un joyau qui deviendra l’un des piliers de son répertoire sur scène lorsqu’il jouera sous son nom (“I Am A Child”), et les autres se débrouille­nt comme ils peuvent. Généraleme­nt considéré comme un disque raté et assemblé maladroite­ment, il est à redécouvri­r et possède le charme de ces albums bancals et hésitants. Tout cela ressort, pour fêter les 50 ans du dernier concert du groupe dans son line-up originel, dans un joli coffret proposant des versions mono et stéréo, remixées d’après les bandes originales, et sort également en numérique haute-fidélité sur le propre site de Neil Young. Lorsqu’on connait ses exigences en termes de qualité sonore, on se doute que tout cela a été cuisiné avec amour et délicatess­e.

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