Rivaliser avec les plus grands Andromeda
John Du Cann n’est probablement pas aussi révéré que Jeff Beck, Eric Clapton ou Jimmy Page, mais il fut probablement l’un des guitaristes les plus habiles de l’époque. Sa riche carrière le verra particulièrement briller au sein d’Atomic Rooster, mais ses débuts avec The Attack et Andromeda ne sont pas à négliger, et renferment leur lot de trésors engloutis... Nous sommes en 1964, et la vague beat est en train de déferler sur le Royaume-Uni. Paumé du côté de Leicester, John possède un atout précieux dans sa manche : son cousin, qui vit chez lui et a accumulé une collection de disques assez faramineuse. La raison ? Il s’est usé les vertèbres durant quelques années dans la marine marchande, avec donc de régulières escapades aux Etats-Unis. L’adolescent se plonge avec délectation dans le rock’n’roll des fifties : ses premières épiphanies sont pour “Tallahassee Lassie” de Freddy Cannon et le chanteur rockabilly Fabian Forte. Très vite, John se fait offrir une six-cordes accompagnée d’un petit ampli. Il fait ses classes comme soliste au sein d’un combo qui écume le verdoyant comté du Wiltshire, The Sonics, et qui lui permet de ressasser des classiques comme “Fortune Teller” d’Allen Toussaint ou “Mona” de Bo Diddley. Puis John se range du côté des mods et met les voiles pour Londres. Il intègre un quartette freakbeat désormais fort prisé des collectionneurs : The Attack. Celui-ci publie une version de “Hi-Ho Silver Lining” (qui précède celle de Jeff Beck) et peut se targuer de remplir des salles en vogue comme le Marquee ou le Speakeasy. Les quelques pépites ayant émergé des limbes révèlent une formation à l’écriture nerveuse, versatile, où Du Cann se détache avec une guitare à la fois acide et tranchante. Des choses prévues pour un hypothétique album, comme “Mr Pinnodmy’s Dilemna”, “Strange House” ou “Magic In The Air” sont proprement fabuleuses et gagneraient à être redécouvertes... The Attack se produit à la même affiche que les Yardbirds, l’occasion pour John Du Cann de croiser le fer avec un nouvel ami et néanmoins rival : Jimmy Page. Cette période de grâce s’achève bientôt et, en 1968, John Du Cann est réquisitionné pour graver un long format pour le compte d’un petit label, Saga, qui compte exploiter la mode ambiante du psychédélisme. Il lui est demandé d’assembler un groupe de fortune, nommé The Five Day Week Straw People. Pour ce faire, John Du Cann contacte une vielle connaissance, le bassiste Mick Hawksworth, puis à Jack Collins, frère de Jimmy McCulloch (futur Wings), pour tenir les fûts. L’effort hâtivement capturé qui en résulte, publié sous une foisonnante pochette, est agréable à défaut d’être renversant, avec une nette influence de Cream. Le trio de chevelus devient Andromeda et gagne le privilège de passer dans Top Gear, l’émission phare du célèbre John Peel sur BBC Radio 1. Ce dernier a même l’intention d’enrôler le power trio sur le label Dandelion, mais y renonce lorsqu’il apprend que John vise le sillon hard rock et engage un batteur plus costaud en lieu et place de Collins, Ian McLane. Kit Lambert, sémillant manager des Who, envisage également une signature pour Track Records avec Pete Townshend dans le rôle du producteur. John Du Cann refuse une nouvelle fois, afin de garder un contrôle créatif total. Andromeda retrouve Jimmy Page, cette fois avec The New Yardbirds, juste avant que Robert Plant et John Bonham n’y fassent leur tonitruante entrée, et met le pied à l’étrier à un Black Sabbath frais émoulu. RCA finit par remporter la timbale. Un mois d’enregistrement est requis pour mettre en boîte un premier effort, qui paraît en 1969. Il est archétypal d’une période charnière entre le postpsychédélisme, le hard rock et le rock progressif. La guitare de Du Cann se fait donc tantôt rude (sur “The Reason” ou “Too Old”, composée pour The Attack), tantôt acide (“The Day Of The Change”), tantôt douce comme sur la ballade “And Now The Sun Shines”. Il chante d’une voix blanche tandis que Hawksworth tricote des lignes de basse mélodieuses et que McLane accompagne l’ensemble d’une frappe très libre. Les compositions se veulent épiques, alambiquées, avec plusieurs mouvements, des thèmes qui s’imbriquent, se confrontent, un solo furieux pouvant surgir n’importe quand, suite à une déambulation hallucinée (“Turns To Dust”). C’est aussi le cas sur “Return To Sanity”, dont l’envolée finale permet à John Du Cann de rivaliser avec les plus grands. “When To Stop”, quant à elle, s’achève sur une improvisation aux reflets hispanisants. L’accueil critique est positif et, comme souvent, le soutien de la maison de disque inexistant. Quelques mois plus tard, le trio retourne en studio pour coucher les démos d’un hypothétique deuxième album. Il s’éteint dans l’oeuf, l’insuccès a déjà découragé notre cher John. Aussi, lorsqu’une offre tombe de la part d’Atomic Rooster, il n’hésite pas bien longtemps. Ce sera le début d’un autre chapitre, qui s’avérera bien plus fructueux...