Rock & Folk

JOHNNY MARR

Homme de plusieurs groupes, le guitariste mancunien assume désormais sa vie d’artiste solo. Au point même d’évoquer les Smiths avec une décontract­ion certaine.

- Alexandre Breton

Johnny Marr est un mec assurément cool. Après avoir hésité à intégrer l’équipe des jeunes de Manchester City, l’ex-guitariste des Smiths, de The The ou des Pretenders, s’est tout simplement contenté d’inventer un son, reconnaiss­able entre mille. Et c’est considérab­le. Aujourd’hui sort son troisième album solo, “Call The Comet”. On le retrouve à Paris, dans les jardins des bureaux de sa maison de disque et, alors qu’on sort l’enregistre­ur, la discussion s’est déjà engagée sur le vacarme londonien et le calme de Paris qui fascine notre lad mancunien. Chaque visite de la capitale lui rappelle les premiers concerts avec les Smiths, au milieu des années 80, sur lesquelles, à bâtons rompus, se poursuit la discussion...

A la limite du burn-out

ROCK&FOLK : Quand vous vous souvenez des années 80, qu’est-ce qui revient en particulie­r ?

Johnny Marr : Elles comptent énormément pour moi. Une grande partie des années 80 est occupée par un groupe, le Gun Club, et leur chanteur, Jeffrey Lee Pierce. L’autre partie l’est par un album sorti en 1985, “VU” du Velvet Undergroun­d. C’était dingue, j’étais déjà un fan du Velvet et soudain sort ce magnifique album, c’est un nouveau choc ! “I Can’t Stand

It Anymore” ! J’écoutais énormément de rockabilly primitif à cette époque, surtout entre “Meat Is Murder” et “The Queen Is Dead” ( sortis en 1985

et 1986). Ma vie, finalement, se découpe en différente­s expérience­s musicales qui ont, à chaque fois, nourri mon travail. Même quand je remonte plus en arrière, dans les années soixante-dix, il y a toujours une bande-son : T Rex, Thin Lizzy, Rory Gallagher, puis les Jam ou les Only Ones.

R&F : Quelle a été la gestation de ce nouvel album ?

Johnny Marr : Faire cet album m’a pris neuf mois, mais ça a été difficile à accoucher. Comme faire un gosse ! On finissait la tournée du précédent album, “Playland”, lorsque, en 2015, mon manager est décédé. Aussitôt après, je m’étais promis de me remettre à l’écriture de mon livre, que j’ai fini en 2016. Après neuf mois, encore, on est retourné en studio, dans cette vieille usine. Mais tout ce que j’avais vécu, écrit, fouillé de mes souvenirs, l’époque des Smiths et la suite, jusqu’à la promo du livre aux Etats-Unis et en Angleterre, tout ça m’avait ravi et épuisé à la fois, à la limite du burn-out. Il fallait que je me remette à faire un album comme quand j’avais quinze ans, à l’instinct, c’est-à-dire de la manière la plus spontanée, en me foutant du label et de qui est Johnny Marr ! Ce qui s’entend par exemple dans un titre comme “Walk Into The Sea”, où il est question d’une renaissanc­e, avec l’espoir que quelque chose de nouveau arrive. Faire cet album, après-coup, a eu un effet cathartiqu­e. J’ai repris confiance en moi et en mon public, je ne sens plus l’éternelle comparaiso­n avec les Smiths. J’ai retrouvé le courage de faire ma musique. Je l’assume.

R&F : Vous semblez avoir longtemps hésité entre être dans un groupe et avoir votre groupe.

Johnny Marr : Oui. Mon rôle a souvent été d’assurer les arrières du chanteur du groupe auquel j’appartenai­s, avec les Smiths, les Pretenders ou The The. Le raisonneme­nt était toujours : si je vais là, peut-être deviendrai-je un meilleur musicien ? C’est comme ça que j’ai fait 500 kilomètres pour rejoindre les Modest Mouse. Pareil pour les Cribs. Tout le monde me disait : “Mais qu’est-ce que tu

fous avec ce groupe ?” Je n’en ai rien à foutre, je veux juste être dans un groupe ! Maintenant, je veux simplement être dans un groupe à guitares, chanter, faire des concerts. Je n’ai pas d’ego par rapport à ça. Et si je faisais tout ça pour être célèbre, faire un maximum de fric, et bien je n’aurais jamais quitté les Smiths. Jusqu’à ce moment où j’ai monté mon propre groupe, je ne savais vraiment pas ce que j’allais devenir, mais je savais que j’y arriverais, que je ne resterais pas toujours le guitariste d’un autre groupe, que j’écrirais mes propres chansons et les chanterais dans mon propre groupe.

Questionne­ment sur l’humanité

R&F : Call the comet, qu’est-ce que cela signifie ?

Johnny Marr : Le point de départ de cet album, c’est un questionne­ment sur l’humanité. La religion ne marche pas ; la politique ne marche pas — on ne parvient pas à s’entendre ! Et le capitalism­e ne marche pas. Depuis des millénaire­s, l’humanité implore quelque chose au-dessus, quelque chose de puissant, même lorsque des hommes tuent d’autres hommes, c’est au nom de cette puissance. Alors, je pense qu’il nous faudrait invoquer autre chose ! Une intelligen­ce, pas un Dieu qui nous juge, mais une puissance qui nous sauve. Et c’est ce qui m’est venu comme titre d’album.

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