Rock & Folk

Depeche Mode

- JEROME SOLIGNY

“VIOLATOR” MUTE

Lorsqu’il lui arrive d’être bien luné, ce qui est de plus en plus fréquent en interview, Martin Gore n’hésite pas à confesser que les meilleurs albums de Depeche Mode, qu’il a dominés de la tête et des compositio­ns dès le début, ont été enregistré­s lorsqu’il a relâché son emprise. Conçu à Milan, Londres, New York et au Danemark, “Violator” de 1990 abonde dans son sens puisque Alan Wilder — ce quatrième membre quittera la formation un album plus tard — y officie avec brio en tant qu’arrangeur des chansons inspirées de Gore. Assisté par les autres et l’ingénieux Mark Flood Ellis, il enveloppe la musique de Depeche Mode d’une fine toile synthétiqu­e aux résonances krafterwer­kiennes qui met en valeur les mélodies les mieux tournées du disque et celles qu’on a un peu oubliées (“Blue Dress” ou “Clean”). Comme souvent à cette époque où le groupe était en instance de domination planétaire — lors de la tournée mondiale qui a suivi la parution de “Music For Masses”, deux ans plus tôt, Depeche Mode avait bourré la Wembley Arena, et joué devant 75 000 personnes au Rose Bowl de Pasadena (concert qui a fait l’objet d’un live et d’un film de DA Pennebaker) — Gore, pourtant tributaire de substances susceptibl­es de faire perdre les pédales, a été capable de décocher quelques imparables. Parmi elles, l’efficace “Word In My Eyes” dans laquelle il fait chanter une sorte d’apologie du sexe à Dave Gahan, ce qui n’a sûrement pas été pour lui déplaire, et “Personal Jesus”, rescapée d’Italie dont le rôle est crucial dans l’album et, au regard de son colossal succès, pour la carrière du groupe. Reprise par Marilyn Manson près de quinze ans plus tard, la chanson n’a pour ainsi dire jamais quitté le répertoire de Depeche Mode. A la suite sur “Violator”, “Enjoy The Silence” et “Policy Of Truth” en sont deux autres incontourn­ables. C’est à Wilder qu’on doit à la première (gagnante d’un Brit Award en 1991) de ne pas être une ballade — il a suggéré le disco beat de la version finale — et la seconde est un des rares titres, pas de lui, que The KLF a remixés. A en croire les membres de Depeche Mode, son succès global a été déclenché par “Violator” dont le nom, bien que grave, se voulait une simple provocatio­n. Depuis sa parution, le groupe n’est jamais redescendu de son piédestal : voilà une entreprise qui ne sait même pas ce que signifie le mot crise.

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