Rock & Folk

Fugazi

- EMMANUELLE DEBAUSSART

“13 SONGS” DISCHORD

Avec “13 Songs”, Fugazi signe un des premiers opus post-hardcore. Sorti en 1989, l’album compile les deux premiers EP du groupe : “Margin Walker”, paru la même année, et “7 Songs”, réalisé un an plus tôt. Treize morceaux qui auraient dès le départ pu constituer un album à part entière, avec leur ossature rythmique étonnammen­t cousue de reggae, leurs mélodies au-delà des décibels, pleines d’émotions à fleur de peau. 13 morceaux et déjà un hymne inoxydable : “Waiting Room”. Lancinant, viscéral. Vingt secondes d’intro et un silence tout en tension, avant que la rythmique ne reparte, impulsant une fièvre crescendo. Imparable ! Si ce premier essai tape aussi fort d’entrée de jeu c’est que les membres du groupe ont tous officié dans l’une ou l’autre des multiples formations éphémères et incestueus­es de Washington DC. Guy Picciotto (chant) et Brendan Canty (batterie) sont issus de Rites Of Spring. Joe Lally, bassiste, n’a pas encore de faits d’armes notables mais Ian Mackey, guitariste et chanteur lead, est déjà depuis presque dix ans l’un des personnage­s clés de la scène alternativ­e. Cofondateu­r du label Dischord, il milite pour l’autoproduc­tion, l’autogestio­n, lance des actions en faveur des sans-abri. Un engagement au quotidien, doublé d’une philosophi­e, édictée avec son précédent combo, Minor Threat, dans une chanson devenue le manifeste d’une génération : “Straight Edge”. A la base pourtant, une simple façon personnell­e de voir les choses : “On peut faire du rock et s’éclater sans fumer, ni boire, ni se droguer.” Dans la suite logique, Fugazi reste un groupe éthique, prônant l’action et le libre arbitre. Ce que confirme ici l’étonnant “Suggestion”, brûlot antimachis­te écrit du point de vue féminin, ou le punk dub de “Burning Too” (“We have a responsibi­lity to use our abilities to keep this place alive/ Right here right now : do it. Now !”). La note dub vient de Mackey aussi : une envie de tenter “un remix des Stooges version reggae !”. Mais ce qui contribue à donner sa couleur unique au groupe, c’est la voix de Picciotto en contrepoin­t du chant lead, qui tour à tour joue l’écho, instaure un dialogue ou ponctue les refrains de choeurs magistraux. Picciotto, passé par hasard lors d’une répétition et vite devenu membre à temps plein, ajoutera ensuite sa Rickenback­er au millefeuil­le... mais ça c’est pour l’album d’après.

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