Ride
“NOWHERE” CREATION
Ils sont quatre et affichent à peine vingt ans, comme l’affirment ces visages poupons balayés par des franges romantiques. En quelques mois, ils sont passés d’une chambre d’Oxford transformée en studio d’enregistrement à la une des magazines. Ils sont devenus l’une des figures de proue du label Creation — le mentor Alan McGee n’a pas encore découvert Oasis, mais a déjà fait preuve de son flair : Jesus And Mary Chain ou The House Of Love comptent au nombre de ses découvertes. Pour cela, il a suffi d’une trilogie de EP réalisée en 1990 en l’espace de neuf mois, grâce auxquels Mark Gardener (chant/ guitare), Andy Bell (chant/ guitare), Steve Queralt (basse) et Laurence Loz Colbert (batterie) dessinent les contours d’une pop bruyante mais surtout brillante, d’où s’échappent des voix d’une fragilité assourdissante. En octobre, le quatuor publie dans la foulée “Nowhere”, premier album dont la pochette épurée parle d’elle-même — une vague se dessine au milieu de l’océan : il suffit de se laisser porter. Emmené par un tandem de songwriters pas encore rongé par les querelles d’ego, il offre des chansons aux courbes audacieuses où se lovent obsessions sixties et passions new wave. Car ces jouvenceaux connaissent leur géographie musicale sur le bout des doigts, autant épris des Byrds que du The Cure de “17 Seconds” (pour résumer). De ces unions contre-nature naissent des compositions XL où les larsens (“Seagull”, “Kaleidoscope”) finissent toujours par s’estomper pour laisser place à des mélodies étourdissantes. De rythmiques acrobatiques (Colbert, parfait dans son rôle de nouveau Keith Moon) en arrangements discrets (les cordes impériales de l’irrésistible “Vapour Trail”) et clins d’oeil (in)volontaires (le gimmick “Paint It Black” de “Decay”), Ride décline surtout les palettes de la mélancolie, qu’elle soit enfouie sous un tourbillon de guitares (“Dreams Burn Down”, chefd’oeuvre sonique et spleenétique) ou suggérée par des arpèges à la Felt (l’intro de “Paralysed”). Alors, bien plus que le simple ambassadeur de l’épiphénomène shoegazing ( fixer ses chaussures, en référence à l’attitude scénique), aux côtés des disques de My Bloody Valentine, Lush, Slowdive ou Moose, “Nowhere” est avant tout une oeuvre marquée par une innocence et un éclat atemporels, point culminant d’une histoire qui ne tardera pas à partir à... vau l’eau.