The Gories
“I KNOW YOU FINE, BUT HOW YOU DOIN’ ” NEW ROSE
L’histoire des Gories est celle de trois mômes mods vivant à Detroit à l’époque où la ville n’est plus qu’une ruine jonchée de verres brisés et de douilles de crack. Au milieu de ce champ de bataille, Peggy O’Neil, flashe sur un petit gars en parka militaire, conduisant son Vespa orange : Dan Kroha. Les deux fricotent, sortent voir des concerts et rencontrent un grand gamin noir qui passe des 45 tours de R&B et de blues : Mick Collins. Ces copains traversent l’ennui en achetant des disques soldés tout en descendant du Thunderbird, sorte de vin cuit coupé au jus de raisins. Au moment où arrivent les compilations Pebbles et autres “Scum Of The Earth”, Mick Collins à un flash : “Nous aussi on peutjouercestrucs!” Les Gories se trouvent un credo : devenir le pire groupe de la terre et faire hurler les gens, mais d’horreur. “On a tellement poussé loin le conceptde musiqueprimitiveque c’estdevenu de l’avant-garde” comprend rétroactivement Mick Collins. Les Gories : deux guitares aigrelettes, un Diddley beat martelé sans roulement, deux accords et des excès adolescents. Après des concerts sous champignons et un album enregistré en dépit du bon sens (le badass “House Rockin’ ”) Alex Chilton tombe sur une vidéo du groupe et veut l’enregistrer à Memphis. “I Know You Fine, But How You Doin’ ” appartient à cette petite catégorie d’album qui vous hurle à la face que la technique vient après la volonté. Chilton et l’ingénieur Doug Easley comprennent que la batterie de Peggy O’Neil est le coeur vibrant du groupe. Ils la mettent au centre du mix, dans une reverb mastodonte. Les accords râpeux de la Jaguar de Dan et les solos strident de la Kent Videocaster de Mick (tous deux sur amplis Silvertone, comme le premier Velvet) tournent autour, comme un essaim de perceuses. Le groupe livre une cartographie de sa ville : beat deux temps Motown, blues de John Lee Hooker, radicalité des Stooges, volume du MC5... “Vousfaitespourle R&Bcequeles Crampsontfaitpourle rockabilly” dira Chilton qui avait produit les 45 tours déterminants du groupe de Lux et Ivy. Les trois retourneront à Detroit jouer inlassablement dans les trois mêmes clubs devant les 20 mêmes personnes. Le disque sort en France, chez New Rose qui lui colle une pochette rose ignoble. Le groupe se sépare. Depuis, il se reforme régulièrement et fout toujours autant les boules aux gens.