Pearl Jam
“TEN” EPIC
Faisons simple : en 1991, Pearl Jam et Nirvana ouvrent les vannes du grunge (encore confidentielles) et le déversent dans le fleuve du grand public, qui compte désormais deux affluents majeurs : “Nevermind” et “Ten”. En l’espace de quelques mois, les deux groupes de Seattle éclipsent leurs contemporains et mettent leur nouveau rock au premier plan de la culture populaire. Les conséquences de ce raz-demarée seront terribles et pas seulement pour les groupes de hair metal, ringardisés par cette nouvelle vague. Kurt Cobain tient trois ans avant de succomber sous la charge qu’on lui place sur les épaules. Un seul groupe survivra donc, et pas le meilleur, selon certaines langues amères. A l’époque, Pearl Jam est hâtivement taxé de clone opportuniste de Nirvana, réputation accentuée par les piques bien senties de Cobain, envoyées lors de quelques interviews. Aujourd’hui, à réécouter “Ten” et “Nevermind”, il paraît évident que les deux n’ont pas grand-chose à voir si ce n’est beaucoup de guitares et une production qu’on qualifiera poliment de datée. Mais focalisons-nous sur “Ten”. Début 1991, Pearl Jam s’appelle encore Mookie Blaylock et se compose de Stone Gossard et Jeff Ament. Eddie Vedder vit alors à San Diego. C’est son pote Jack Irons, ex-batteur des Red Hot Chili Peppers, qui le met sur le coup et lui donne une démo des premières maquettes de Gossard et Ament. Rapidement, Vedder écrit et enregistre du chant sur ces morceaux et les renvoie à Seattle. Probablement soufflés par la puissance vocale et le grain très particulier du chanteur, les deux musiciens le font immédiatement venir sur place. Eddie Vedder file en direction de l’Etat de Washington pour devenir le catalyseur, la pièce finale qui permettra de mettre en branle la machine Pearl Jam. “Ten” est enregistré dans la foulée et même s’il ne parvient pas à capter l’énergie folle qui se dégage déjà des premiers concerts du groupe, il contient suffisamment de titres forts pour s’imposer sur la longueur — il lui faudra un an pour atteindre la tête du Billboard — et devenir un album fondateur du mouvement grunge. “Alive”, “Even Flow”, “Jeremy”, “Black”. Ces titres, le groupe continue de les jouer comme en 1991, démontrant que si la production de “Ten” a pris un coup de vieux, ses chansons restent suspendues hors du temps, tout comme l’époque bénie durant laquelle elles ont vu le jour.