Massive Attack
“BLUE LINES” CIRCA
Planète Terre, 1991. Serge Gainsbourg, Johnny Thunders, Vince Taylor et Miles Davis tirent définitivement leur révérence. 1991. Amérikkke bushienne. Nirvana balance un cinglant “Nevermind” à l’ordre établi. REM ne compte plus les “Shiny Happy People”. Le Godfather of Soul sort de prison. Gang Starr, Tribe Called Quest et Public Enemy enfoncent le clou rap. 1991. France mitterrandienne. Rock&Folk en vente libre depuis 1966 souffle ses 25 bougies. MC Solaar et “Qui Sème Le Vent Récolte Le Tempo”, IAM et “De La Planète Mars”, Suprême NTM et “Authentik” en font voir de toutes les couleurs aux B-boys. 1991. United Kingdom conservateur. Le rêve raviste prend du plomb dans l’aile. L’acid-jazz grooviote. Quand soudain, d’un Bristol pas encore seattlelisé, Massive lance sa première offensive longue durée avec “Blue Lines”, perd son Attack dans la Tempête du Désert pour cause de censure paranoïaque mais gagne la guerre du son, bardé d’une flopée de médailles de Meilleur album de l’année (Rolling Stone, NME, The Face). A l’origine, The Wild Bunch, collectif bristolien légendaire porté sur les sound-systems, au sein duquel gravitent un monsieur Soul II Soul bientôt manitou de Björk et Madonna (Nellee Hooper), les trois têtes groovantes de Massive (3D, Mushroom, Daddy G), un Tricky Kid bientôt installé à son compte, une Shara Nelson tombée de la galaxie On-U. A l’arrivée, neuf Lignes Bleues aux beats alanguis dont la beauté froide et lisse s’anime sous des caresses métissées soul hip hop jusqu’à atteindre une volupté intersidérale. Les boucles synthétiques toujours paresseuses s’enroulent sur des lignes de basse minimalistes qu’un riff de reggae clashien traverse parfois (“Five Man Army”). Les scratches toujours de velours enveloppent aussi bien un orgue Procol Harum (“Be Thankful For What You Got”) que des percus carnaval de Rio (“Unfinished Sympathy”). A dix mille années-lumière de la raideur glacée d’une Sade, la diva Shara ouvre grand son coeur ébène, exhale un vague à l’âme des profondeurs que servent à tour de rôle des chevaliers tchatcheurs toujours super
smooth (Horace Andy, Tricky, 3D et ses deux acolytes). “Blue Lines” : symphonie contemporaine plus bleu ardoise que turquoise pour rêver éveillé, comme le suggère le somptueux “Daydreaming” enregistré au Coach House, où un certain Geoff Barlow fait son apprentissage studio.