Rock & Folk

Primal Scream

- FRANCOIS BACHERIG

“SCREAMADEL­ICA” CREATION

Les années 90 ont commencé : “Screamadel­ica” le prouve. Personne n’aurait jamais sorti un tel album durant la décennie précédente, où l’on s’acharnait à chercher l’innovation, l’originalit­é, la pureté. Désormais on entre dans l’ère du recyclage et du collage astucieux, du sample bien employé. Portishead va s’attirer des louanges en mixant des thèmes de John Barry sur fond de boîtes à rythmes, Beck va cartonner en collant de la scie musicale sur du rap. Un des premiers à comprendre cette évolution est Bobby Gillespie, l’ancien batteur de Jesus & The Mary Chain. Il chante dans Primal Scream et a déjà publié deux albums de rock vaguement rétro alors que Manchester, avec les Stone Roses et les Happy Mondays, fusionne dance et pop. Et puis on lui livre en 1990 un remix house d’un de ses titres : tout, sauf la rythmique, a disparu. En lieu et place, un dub lancinant, des cuivres et ce qui ressemble fort à des cornemuses — là, c’est sûr, nous ne sommes plus dans les années 80. Le résultat sonne comme un instrument­al de “Sympathy For The Devil”, en plus groovy et avec quelques dialogues tirés d’un vieux film dans lequel Peter Fonda appelait à l’éclate la plus totale. Ce sera “Loaded” (“bourré”), d’ailleurs le nom de la future revue culte des jeunes lads anglais. Le groupe s’engouffre alors à fond dans cette musique de fête. Inutile de chercher une unité dans un “Screamadel­ica” qui ressemble fort à une bande-son pour party livrée clef en main : du dub, des thèmes binaires, quelques ballades pour se détendre. Il n’y a plus qu’à trouver invités, boissons et pilules qui rendent idiot. Est-ce du rock, de la dance ? L’album tient la route. Primal Scream peut tout tenter, de la reprise méconnaiss­able d’un classique des 13th Floor Elevators au psychédéli­sme d’ “Inner Flight”, de l’acid-house de “Don’t Fight It, Feel It” aux variations sur “Higher Than The Sun”. L’album accumule mixeurs et producteur­s, dont Jimmy Miller, le meilleur producteur des Stones, sorti du congélo vingt ans après pour faire un pastiche de “Gimmie Shelter”. Primal Scream tentera encore avec lui la direction stonienne sur son album suivant avant de revenir à la fusion de “Screamadel­ica” pour “Vanishing Point”. Mais la fête aura alors des relents amers. Ce disque de 1991 reste recommandé à tous ceux que Massive Attack faisait déjà bâiller.

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