Rock & Folk

My Bloody Valentine

- ALEXIS BERNIER

“LOVELESS” CREATION

Tout ça pour ça. My Bloody Valentine, soit le couple à la scène comme à la ville Kevin Shield/ Belinda Butcher accompagné du batteur Colm O’Ciosoig et de la bassiste Debbie Googe, ont fait poireauter leur monde deux ans durant et dépenser à Alan McGee, leur patron du label Creation, des sommes consternan­tes qui faillirent le laisser sur la paille — on parla à l’époque de 400 000 dollars — afin de payer les frais du studio dans lequel ils s’étaient retranchés, pour finalement accoucher au forceps et sous péridurale de ce “Loveless” inaudible. Quarante-huit minutes de bruit terminal, onze murs d’un lent boucan, qui laissent invariable­ment l’auditeur novice convaincu que sa chaîne haute-fidélité a rendu l’âme pour de bon. Au moins ce brûlot carbonisé a le mérite d’être définitif. Après ça la noisy pop, comme on l’appelait en son temps, terminé. Circuler, il n’y a plus rien à voir. Tout est là, en cette assourdiss­ante beauté mécanique, ce foudroyant orgasme musical célébrant l’ultime mariage du synthétiqu­e et de l’organique. Des mélodies simplissim­es (qui partent à la dérive comme si le tourne-disque était décentré) noyées sous des strates de guitares déstructur­ées et des boucles torrentiel­les d’échantillo­nneur incompréhe­nsible. Il y a bien, pour s’y retrouver, une vague rythmique et quelques voix aphones mais loin, loin derrière les assauts de fuzz, larsen, reverb et autres effets. Quelque part entre Brian Eno, Steve Reich et Pink Floyd, nos Bloody Valentine oeuvrent au noir et foncent vers nulle part, mettant en 1991 un terme aux années rock 80 et inaugurant à leur manière via “Soon”, sommet final de ce disque testamenta­ire, la décennie dance. Evidemment cet étrange objet en laissa plus d’un perplexe — les spectateur­s survoltés de l’Olympia parisien par exemple qui malgré toutes leurs bonnes volontés finirent par se boucher les oreilles, ne pouvant plus supporter tant de raffut — mais en le réécoutant plus de vingt ans après, une chose est évidente, ce “More” des années 90 est l’une des pierres angulaires de la musique populaire contempora­ine.

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