Rock & Folk

Frank Black

- CHRISTOPHE ERNAULT

“FRANK BLACK” 4AD

“Surfer Rosa” ? “Doolittle” ? Non. La vraie découverte fut “Bossanova” puis “Trompe Le Monde”. 1991 : les Pixies étaient alors clairement au-dessus de la mêlée REM/ Nirvana/ Guns N’ Roses de l’époque. Harmonique­ment, techniquem­ent, esthétique­ment : ailleurs... 17 ans avec nos Telecaster japonaises, on savait déjà que c’était far away from le McDo le plus proche. Pas d’internet et des partitions à 200 balles. Des nuits passées, donc, à déchiffrer ces accords pour le moins saugrenus. M’enfin, quand le premier album solo de Frank Black arriva en 1993 nous fumes terrassés, bien que nous l’écoutâmes avec caution. Car qu’y a t-il de moins cool qu’un album solo ? Mick Jagger ? Ce disque résonne d’autant plus aujourd’hui qu’il est finalement, mettons des gants blancs et du Cuir de Russie, le dernier cri d’un certain sens de la faconde pop, soit, shortcut : des morceaux à 15 accords joués à toute berzingue (peu ou prou, le deal beatlesien initial, cf “There’s A Place”). Un grand projet, donc, que Frank Black confisqua à son groupe. A ce batteur laborieux. A ce lead-guitarist trop bavard. A cette bassiste trop talentueus­e (et des discussion­s bizarres ont encore lieu dans des endroits bizarres avec des gens bizarres sur le dossier Kim Deal). Au risque de passer pour l’enculé de lead singer de service, il avait raison. D’être un enculé. Dès lors, les manants peuvent brailler. Car comment lutter contre les cadences UFO de “Los Angeles”, contre le shivaisme punk d’ “I Heard Ramona Sing”, contre le raqs sharqi de “Places Named After Numbers”, contre la kalach-pop “Czar”, contre le bubble-goth de “Old Black Dawning”, contre ce sens du chromatism­e céphalesqu­e de “Ten Percenter”, meilleure chanson sur la neurologie depuis le “Wrack My Brain” de Ringo Starr. Et surtout contre cet épique “Two Spaces” qui continue de hanter nos nuits ? Hein ? Oui, ce “Two Spaces” où Black rassemble à peu près tout ce que l’intelligen­ce rock’n’roll a créé depuis “Le Temps Des Cerises” jusqu’au “Another Nail In My Heart” de Squeeze en passant par le “96 Tears” des Mysterians, et dégomme, en passant, tout ce que Kurt Cobain lui a piqué deux ans auparavant. Et que Black avait lui-même déjà plus ou moins piqué au Costello de “Armed Forces”. On ne dira pas simplicité, donc. Ce mot horrible. Sublimemen­t fatigant.

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