Rock & Folk

Noir Désir

- EMMANUELLE DEBAUSSART

“TOSTAKY” BARCLAY

“Où veux-tu qu’je r’garde ?” Toujours plus à l’Ouest. Dès le premier mini-LP, en 1987, la ligne d’horizon était toute tracée et depuis, les Bordelais n’ont cessé de fixer la mer, les yeux tournés vers le Nouveau Monde. C’est de là qu’est venu, par des chemins détournés, leur premier ange gardien, Théo Hakola, producteur et moteur, la main sur les manettes et le coup de pouce vers une maison de disques. La mer encore était là pour leur premier grand succès commercial et l’autre continent également, plus au sud, mais tous deux par erreur, via un “Aux Sombres Héros De L’Amer” transformé en “Sombrero De La Mer”. Qu’importe le lapsus, le succès, lui, n’avait rien d’une erreur. Plus dures à supporter furent les critiques injustes qui accompagnè­rent l’album suivant, “Du Ciment Sous Les Plaines”, critiques s’attaquant aux paroles, par facilité et paresse. Une méfiance déniée en bloc par le public, plus chaleureux que jamais. Mais une méfiance usante, comme les tournées trop longues et trop intenses. Né du doute ou de la confiance retrouvée, après une période de silence ressemblan­t à s’y méprendre à une dissolutio­n, “Tostaky” remet les pendules à l’heure. Glissée au détour de la chanson homonyme, une petite phrase, “Soyons désinvolte­s, n’ayons l’air de rien”, restera le mot d’ordre de cet album foudroyant. L’air de rien, on le pose sur la platine, sans se douter... et ce n’est certes pas de la désinvoltu­re qui saute à la gorge : une claque magistrale sur toute la ligne. Chacun a rechargé ses batteries dans son coin, laissé traîner ses oreilles dans différente­s directions, accumulé les flashes. Puis ils ont vidé leurs bagages, mis les trésors en commun, amalgamé les souvenirs individuel­s pour se recréer une mémoire collective et tout recracher en vrac : les soirs de cuite, les champs de bataille d’une fille à soldats, les cordes décapantes façon tribu US, une excellente reprise d’un morceau des Nus... Longue attente avant de recommence­r, les guitares ont enflé. Le son aussi. Ça se bouscule comme un trop plein d’énergie, jaillit brut et violent comme le sang d’une artère sectionnée, la fureur d’un torrent en crue, un flot de paroles et de décibels trop longtemps contenus. Les meilleures chansons du groupe, les plus abouties, sont ici alignées, qui prouvent un progrès constant.

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