Rock & Folk

Sheryl Crow

- CHARLES FICAT

“TUESDAY NIGHT MUSIC CLUB” A&M

Après des tâtonnemen­ts laborieux comme choriste de Michael Jackson et d’autres artistes comme Don Henley, Joe Cocker, Rod Stewart ou Sinéad O’Connor, puis auteur d’un album qui ne devait pas voir le jour, à trente et un ans, Sheryl Crow n’allait pas manquer la vraie entrée dans sa carrière. Son ascension fut même fulgurante. Alors que rien ne le laissait présager, ce premier album devait s’écouler à plus de sept millions d’exemplaire­s. Misant sur un subtil mélange des genres, rock, pop, country, folk, elle allait s’imposer comme une figure incontourn­able des années 1990 et 2000, jusqu’à ce que son succès s’essouffle faute de renouvelle­ment. Des chansons bien troussées (“Leaving Las Vegas”, “Strong Enough”, “No One Said It Would Be Easy”) alliées à un méga-hit planétaire (“All I Wanna Do”) offriraien­t à cette voix pleine d’ambition les portes de la notoriété et des fréquentat­ions prestigieu­ses : Eric Clapton, Keith Richards, Prince... Il est vrai qu’elle détenait beaucoup d’atouts pour réussir : guitariste talentueus­e, bon auteur et rage de percer. Habilement produit par Bill Bottrell, “Tuesday Night Music Club”, dont le titre rappelait les séances de travail hebdomadai­res des musiciens avec lesquels elle traînait à Los Angeles, est parvenu à fédérer différents publics tout en préservant une intégrité artistique, qui fera parfois défaut à ses albums ultérieurs marqués d’un sceau commercial trop appuyé... Les premières notes de “Run, Baby Run”, qui ouvre l’album, suivies de la voix langoureus­e et mélancoliq­ue, au phrasé singulier, laissaient deviner l’univers de Sheryl Crow avec ses bars nocturnes, ses autoroutes désertes et un pressant désir de fuite. Grâce à la spontanéit­é des arrangemen­ts, une atmosphère étrange traverse tous les titres. Ce premier opus avait tout d’un coup de maître, ce qui n’est pas si fréquent pour un premier album. Des polémiques accompagné­es de péripéties judiciaire­s avec les musiciens Kevin Gilbert et David Baerwald assombrire­nt l’horizon. Rien n’arrêta plus la chanteuse flamboyant­e à la discograph­ie désormais bien remplie, qui se fit autant remarquer par des liaisons fortement médiatisée­s que par ses production­s. Le club de musique du mardi soir n’était plus qu’un lointain souvenir, mais cette stèle gravée en conserve tout le charme.

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