Nine Inch Nails
“THE DOWNWARD SPIRAL” INTERSCOPE
L’année 1994 fut généreuse en albums marquants. Les dieux du rock’n’roll se sont indéniablement penchés dessus. Quoique pour “The Downward Spiral” de Nine Inch Nails, les dieux n’ont rien à voir là-dedans. Cet album, condensé absolu de déviance autodestructrice, a été enregistré dans la demeure du 10050 Cielo Drive, sur les hauteurs de Beverly Hills. C’est ici qu’en 1969, la family de Charles Manson assassine brutalement Sharon Tate et ses intimes. Avec “The Downward Spiral”, c’est tout le rock alternatif que Trent Reznor semble vouloir anéantir. Un mois après la sortie de cet album, Kurt Cobain se suicide. Non pas que les deux évènements soient liés en soi mais, à l’écoute d’un tel disque, on peut tout de même s’interroger sur les sombres interconnexions de l’histoire du rock. “The Downward Spiral” n’est pas un simple album de metal industriel, c’est le Nécronomicon du rock US. Un disque majeur et complexe, confectionné par un esprit supérieur et semblant pourtant né d’un chaos total. Le chef d’orchestre de cette danse macabre, c’est donc Trent Reznor. Et si cet homme est aujourd’hui un artiste respectable, oscarisé pour sa collaboration avec le réalisateur David Fincher et visiblement apaisé, il en allait autrement dans les années 90. C’est comme si Reznor, au bout du rouleau, avait décidé de s’anéantir totalement en se mettant luimême au centre d’un maelström musical incontrôlable. Rassemblant les influences de Bowie, Pink Floyd et King Crimson, l’homme plonge le tout dans un mixeur géant, y jette fils barbelés, boulons et béton avant d’y précipiter son cerveau vicié et sa faible enveloppe corporelle. Si Trent Reznor en ressort finalement vivant, il lui faudra des années de reconstruction pour reprendre forme humaine. L’imprévu, c’est que “The Downward Spiral”, oeuvre noire, étourdissante et tourmentée est également un monstre de groove infernal, de mélodies insidieuses, de refrains inoubliables et de superbes instants de grâce. Majestueuse traversée des abysses alors insondables de l’esprit de Reznor, “The Downward Spiral” est un album dont l’aura dépasse aujourd’hui largement celle de son créateur. Comme si, aux abords d’un des carrefours obscurs dont son disque abonde, Trent Reznor avait laissé une partie de lui-même, emportée dans la spirale descendante.