Ben Harper
“WELCOME TO THE CRUEL WORLD” VIRGIN
“Bienvenue dans le Monde Cruel” ? Drôle de programme en 1994 pour un jeune chanteur/ guitariste/ compositeur découvert par un producteur français (Jean-Pierre Plunier) dans un bar de Los Angeles. Caché derrière une allure de rastaman, Ben Harper se révèle en fait comme un authentique bluesman, offrant simplement une image rajeunie du genre. Ses instruments de prédilection sont le dobro, la guitare et la Weissenborn, sorte de guitare couchée dont il joue assis. Son premier disque réunit tous les ingrédients nécessaires, mais pas toujours suffisants, pour connaître si ce n’est le succès, au moins une reconnaissance médiatique : de bonnes compositions, une voix chaude et souple, parfois susurrée à l’oreille de son auditeur, un travail remarquable et tout en finesse sur le son des guitares, une section rythmique compétente mais pas envahissante. Après une mise en bouche façon Ry Cooder, on entre dans le vif du sujet avec “Whipping Boy”, morceau écrit par Chris Darrow en 1973, et un type qui reprend du Chris Darrow (musicien de country-blues, ancien Kaleidoscope et Nitty Gritty Dirt Band) ne peut pas être un mauvais homme. A partir de là vont se succéder onze chansons parfois lentes et mélancoliques, parfois énergiques et rythmées. Dans la première catégorie, “Waiting For An Angel”, “Forever”, “Pleasure And Pain”, “Walk Away” et “Welcome To The Cruel World” évoquent la solitude, la douleur des âmes perdues et la cruauté du monde en un murmure langoureux de la voix et de la guitare. Dans la seconde, “Breakin’ Down”, “Mama’s Got A Girlfriend Now”, “Like A King” et “How Many Miles Must We March” allument un festival de percussions pimenté de grands coups de guitare Weissenborn, encore une fois l’ombre de Ry Cooder n’est pas loin. Entre ces deux pôles se glissent deux purs chefs-d’oeuvre, “Don’t Take That Attitude To Your Grave”, qui démarre a cappella, et “I’ll Rise” qui clôt le disque sur des choeurs gospel d’une divine simplicité. Ce “Welcome To The Cruel World” sans esbroufe et très personnel réussit à conquérir un public, en particulier en France, bien au-delà du cercle restreint des amateurs de blues. Le plus dur pour Ben Harper sera de se renouveler, ce qu’il parviendra à faire avec plus ou moins de réussite sur “Fight For Your Mind” et sur “The Will To Live”.