Offspring
“SMASH” EPITAPH
Kurt Cobain s’est suicidé et le grunge, ce croisement improbable entre la power pop eighties et le metal lourd seventies, est mort avec lui. Ce qui restera sans doute comme le dernier grand moment du Rock’n’Roll a fait long feu, les teenagers de la prétendue Generation X se réveillent fatigués de tant de douleur. Après tout, le soleil se lève tous les matins, “Smells Like Teen Spirit” n’aura été qu’un gigantesque malentendu, les sept millions d’acheteurs américains de “Nevermind” ne voulaient que s’éclater un bon coup. Le malheur “In Utero” n’était pas le leur, la bonne grosse rigolade “Smash” leur convient mieux. Au moins avec Offspring ou son corollaire Green Day, on ne risque pas de se retrouver avec un mort sur les bras. Après avoir sorti deux albums confidentiels, les Offspring sont retournés en studio à l’aube 1994, prêts à enregistrer pour trois francs six sous et en deux temps trois mouvements un album sans ambition. Le fun et le speed comme seule religion, une mystérieuse et puérile intégrité comme seule revendication politique, l’efficace, imparable diront certains, “Smash” va faire mouche. Pourquoi pas ? Après tout, le punk mélodique et survitaminé de “Come Out And Play” ou “Self Esteem” — pour ne citer que les deux singles les plus connus, même si le reste de l’album est totalement équivalent en dehors d’un vague ska “What Happened To You” — est loin d’être mauvais. D’entrée la batterie colle au plancher et les guitares à la limite du hardcore abandonnent l’auditeur sur place. Les compositions impeccablement binaires tombent au rythme infernal d’une toutes les deux minutes trente, on en a pour son petit argent, pas de tromperie sur la marchandise rock. Offspring défendit vaillamment son opus dans tout ce que l’Amérique compte de clubs avant que quelques réalisateurs ne transforment “Smash” en bande-son pour ces films de glisse (ski, surf, skate) dont une certaine jeunesse en mal d’émotions fortes à bon compte est si friande. MTV se raccrocha au wagon, l’Europe allait suivre, le tour était joué, cinq millions d’exemplaires vendues rien qu’aux USA. Offspring est le nouveau phénomène rock, Epitaph, son label, est devenu le plus vendeur des indépendants et, par facilité, les médias parlent en Amérique d’un revival punk. Pourquoi pas ?