Rock & Folk

Hole

- SYLVIA HANSEL

“LIVE THROUGH THIS” GEFFEN

C’est une incroyable déferlante de haine qui s’abattait sur Courtney Love au lendemain du suicide de son illustre mari. Groupie, camée, traînée arriviste... On la comparait volontiers à Yoko Ono ou Nancy Spungen (qui n’ont, du reste, rien fait de mal), on l’accusait d’avoir provoqué la mort de Kurt Cobain, sinon en engageant un tueur (théorie absurde qui avait ses défenseurs), du moins en lui rendant littéralem­ent la vie impossible. Surtout que, malheureux hasard du calendrier, l’album de son groupe Hole sortait à peine une semaine après le drame. Son titre, “Live Through This” (Vivreaprès­ça), prenait des accents prophétiqu­es. Deux mois plus tard, la bassiste Kristen Pfaff succombait à une overdose d’héroïne. Pas facile de vivre aprèsça... Reste que l’album, comme l’avait dit Cobain, est extraordin­airement bon. Dès les premiers accords de “Violet”, impossible d’en douter : on a affaire à une tuerie (sans mauvais jeu de mots). La production, étonnammen­t propre après l’abrasif premier album “Pretty On The Inside”, est précise, claire, puissante. Ce qui permet à Courtney de chanter, et non plus seulement de s’époumoner pour se faire entendre. A présent, quand elle hurle, le résultat est d’autant plus violent qu’il contraste avec de douces paroles susurrées (notamment sur “I Think That I Would Die”, diatribe contre les services sociaux qui lui ont retiré la garde de son bébé après qu’une journalist­e l’eut accusée d’avoir pris de l’héroïne durant sa grossesse). La batterie de Patti Schemel cloue au sol, la violence des guitares d’Eric Erlandson est savamment dosée. Thème central du disque, le corps féminin. Disloqué (“Doll Parts”, “Jennifer’s Body”), soumis aux régimes, à l’anorexie (“Plump”) pour entrer dans les standards de beauté (la magnifique “Miss World”), vendu pour accéder à la célébrité (“Asking For It”, “Violet”)... Ce corps, toujours, souffre et se rebelle contre les violences qui lui sont faites. Madame Love sait de quoi elle parle, elle qui fut strip-teaseuse, se trouve trop grosse pour être actrice ou rock star, nourrit une obsession pour les poupées et les reines de beauté... Si le dernier titre, “Olympia” (imprimé par erreur “Rock Star” sur la pochette), écharpe le mouvement Riot Grrrls et son féminisme universita­ire, Love a sans doute incité plus de filles à prendre une guitare et fonder un groupe que toutes les Bikini Kill ou Bratmobile de la Terre.

 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from France