Rock & Folk

Jeff Buckley

- BRIAG MARUANI

“GRACE” COLUMBIA

Nusrat Fateh Ali Khan cachera jusqu’à ses seize ans ses talents de vocaliste à son père, célèbre chanteur de qawwalî, genre musical inspiré par l’islam soufi. Après la mort de son paternel, il le verra dans un rêve poser une main sur sa gorge et lui ordonner de chanter. Il chantera pour la première fois en public quarante jours après le décès de celui-ci, lors d’une cérémonie traditionn­elle. Jeff avouera lors d’une interview en 1996 avec le légendaire chanteur pakistanai­s, son idole, n’avoir jamais chanté devant son géniteur. Sa première vraie performanc­e se fait lors d’un concert organisé en hommage à son père Tim Buckley, à l’église St Ann de Brooklyn vers la fin de l’année 1991. C’est là qu’il rencontre le légendaire guitariste Gary Lucas avec lequel il coécrit des titres et se produit dans différente­s salles à New York. Un an plus tard, il signe son premier contrat. La trajectoir­e de l’artiste semble avoir été tracée par les astres. Il est né pour chanter. “Grace”, seul véritable album sorti de son vivant, a une dimension quasi religieuse. Il touche au surnaturel, à l’ésotérisme. Dès les premières notes de “Mojo Pin”, titre sur l’héroïne, on est happé dans un monde parallèle, mais on frissonne comme en entrant dans une maison hantée. “Je suis aveugle et torturé, les chevaux blancs coulent”. On oublie qu’à l’époque, le plus grand hit du disque fut “Last Goodbye”, depuis éclipsé par la reprise du “Hallelujah” de Leonard Cohen. Chanson qui faillit ne jamais voir le jour, car Columbia ne trouvait pas l’album “Various Positions” du poète chantant assez bon. Quand “Grace” est sorti en 1994, le grunge dominait les ondes de rock alternatif. Si Jeff est souvent planant, avec des tempos lents (“Lover You Should Have Come Over”, “Dream Brother”), quand il s’énerve il n’a rien à envier à ses contempora­ins. Sur “Eternal Life” et son riff metal, sa voix égale même celle de Robert Plant. Alors que la section rythmique constituée de Matt Johnson (batterie) et Mick Grondahl (basse), reste toujours précise et tranchante. Après une tournée triomphale, surtout en Europe, il s’efforce d’enregistre­r une suite à ce premier album, mais sans jamais se satisfaire du résultat. Le soir d’une nouvelle séance d’enregistre­ment avec son groupe, comme pour oublier la pression, il se baigne dans un affluent du Mississipp­i, tout habillé avec ses chaussures, il meurt noyé.

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