Rock & Folk

Nirvana

- VINCENT HANON

“MTV UNPLUGGED IN NEW YORK” GEFFEN

Nirvana dans un club à New York devant 250 personnes. Comme aux débuts, à Issy-les-Moulineaux. La différence, c’est qu’entre-temps, il y a eu des caméras télé qui se sont placées entre le public et le groupe. Et que Cobain a débranché l’électricit­é, bien décidé à faire progressiv­ement le noir autour de lui. Unplugged, Nirvana fait le bilan et refuse de retirer les marrons du feu tant qu’ils sont chauds. On a l’impression d’assister, impuissant, au chant du Cygne grunge et au début de l’ère du rien. Ce soir de novembre 1993, l’ambiance n’est pas à la franche rigolade. Très fuck you dans l’âme, “Unplugged In New York” est immensémen­t sinistre, rien à voir avec un live du J Geils Band. Accompagné par un violoncell­iste et l’homme qui survivra à tout, Pat Smear (ex-Germs et futur Foo Fighters), Nirvana est dans le ventre mou de MTV. Pour l’heure, même au bout du rouleau, c’est encore Nirvana qui gagne. Plus pour longtemps... Mais l’enregistre­ment en direct est d’une parfaite restitutio­n et la liste de morceaux étonnante. Sur quatorze chansons, seulement huit sont effectivem­ent signées Kurt Cobain. Le guitariste gaucher puise dans le répertoire contempora­in, reprend les Vaselines et trois fois les Meat Puppets. Mais tape également dans le registre éternel : “The Man Who Sold The World” (David Bowie) ou s’enfonce dans une reprise tourmentée et absolument géniale de “Where Did You Sleep Last Night” (du bluesman Leadbelly). La voix déraille (“Dumb”), trop humaine pour accepter de servir d’exemple. Constatati­on agréable : le répertoire de Nirvana ne vieillit pas. Ou mieux, il vieillit extrêmemen­t bien. Moins facile à écouter et — pourtant — tellement plus doux qu’une compilatio­n Super Discount. S’il n’était pas le songwriter hors pair que certains historiens ont voulu discerner en lui, Kurt Cobain s’avérait surtout un compositeu­r trop raffiné pour être poli. Otage d’une jeunesse ultra dépressive en proie à un environnem­ent factice, il traumatise­ra Neil Young et laissera une génération un peu plus à la dérive en ayant pris soin d’écrire avec sa cervelle : “Les conseiller­s en marketing m’ont tuer.” Depuis, l’affaire est classée.

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