Rock & Folk

Guided By Voices

- SYLVIA HANSEL

“ALIEN LANES” MATADOR

Difficile de choisir un album dans la discograph­ie pléthoriqu­e de ce groupe qui, rien qu’en 1995, en sortait trois — et quatre l’année suivante. On pourrait parler de “Bee Thousand” (1994) ou de “Under The Bushes Under The Stars” (1996, produit par une ex-voisine et compagne de biture nommée Kim Deal). Chacun de ces disques compte autant de pépites que de brouillons — certaines chansons étant les deux à la fois. Car le leader et seul membre permanent de Guided By Voices, Robert Pollard, instituteu­r de son état, compose aussi vite qu’il descend des bières. Résultat, des monceaux de chansons enregistré­es avec les musiciens qui lui tombent sous la main, sur un 4-pistes à cassette, au soussol de sa maison de Dayton, Ohio. Pour ce fan des Beatles, plus la console du studio possède de pistes, moins le groupe aura de créativité. L’un des guitariste­s renchérit : enfant, il passait en boucle le “Satisfacti­on” des Stones ; sa grand-mère, excédée, a fini par fracasser le 45 tours. “A cemoment,j’ai su queje voulaisfai­reune musique quiprovoqu­eraitcegen­rede réaction.” Ces deux anecdotes donnent une idée assez précise de la musique de Guided By Voices. Leur apparence de branleurs cache une esthétique lo-fi recherchée, une philosophi­e DIY qui conduit Pollard à fabriquer à la main les pochettes de disques, T-shirts, etc. “Alien Lanes” est l’album charnière, sorti juste après la signature chez Matador. Les musiciens, qui jusqu’à présent se produisaie­nt dans les bars locaux, quittent leurs boulots alimentair­es pour vivre de leur art. Pollard a déjà 38 ans et sept albums à son actif. Le titre d’ouverture, “A Salty Salute” annonce : “Theclubiso­pen”. C’est parti pour vingt-huit morceaux de bonheur, alliant pop bubblegum à la Monkees et indie corrosive. Comment ne pas être transporté d’aise à l’écoute de la sautillant­e “My Valuable Hunting Knife” et ses paroles étranges, “Watch Me Jumpstart” et ses guitares heavy metal naïves, ou le bijou pop “Blimps Go 90” et son violon guilleret... Car l’image lo-fi bordélique de Guided By Voices peut faire oublier que Robert Pollard est aussi un mélodiste sensible, un songwriter délicat planquant sous la saturation une mélancolie parfois poignante. Souvent rapproché de Pavement ou des Breeders, Guided By Voices produit en fait la musique qu’aurait jouée Daniel Johnston s’il avait eu des amis avec lesquels former un groupe.

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