Talking Heads
“TALKING HEADS : 77” SIRE
Ce qui est bien avec ce premier Talking Heads, c’est qu’on n’a pas à se tordre la mémoire pour se souvenir de quand c’était : c’est marqué dessus. Bien qu’il soit très possible que certains n’aient pas entendu ce disque avant 1978... En tout cas, Jean-Bernard Hebey le diffusait sur RTL, dans son émission Poste Restante qui fut, pour une génération entière, un véritable cours de rock au quotidien (puis hebdomadaire, puis plus rien...). C’était le morceau “First Week/ Last Week”, petite merveille pas très connue, présente sur cet album. On découvrait en même temps Keith Jarrett et les Dead Boys. En tout cas, c’était bien avant que Bernard Lenoir ne prenne le train en marche et ne diffuse “Psycho Killer” dans Feedback, qui était alors surtout une émission de rock californien pour surfers bronzés (on y entendait beaucoup Eagles, Van Halen ou Michael Franks, ce qui ne semble, rétrospectivement, pas très in rockuptib le ment correct:otemp or a ...). Bref, pour tous les amateurs de sonorités novatrices, ce Talking Heads fut un sacré choc. Cette voix à la fois hystérique et poignante de David Byrne racontant des histoires d’une banalité perverse, posée sur une batterie métronomique, une basse maladroitement funky (superbe Tina Weymouth), des guitares naïves et des claviers cheap : c’était inhabituel. Rien de punk, ni de ce qu’on avait entendu auparavant. Un son d’une fraîcheur incomparable, le son de notre jeunesse, qui arrivait à réconcilier les amoureux du Velvet Underground — Jerry Harrison avait fait ses armes dans les Modern Lovers — et de Al Green (dont ils reprendront le classique “Take Me To The River” sur leur deuxième album). Une musique émotionnelle, intellectuelle et dansante à la fois, des chansons originales, dans tous les sens du terme. Ensuite, il y aura Brian Eno à la production de deux autres albums incontournables (“More Songs About Buildings” et l’effrayant mais indispensable “Fear Of Music”). Puis, ils commenceront à pédaler dans la choucroute, convaincus de leur importance et (surtout Byrne) d’être des artistes : ce qui peut arriver de pire dans le monde du rock. Mais avec “... 77”, on est encore loin de tout ça, on écoute les premiers pas d’un groupe réellement novateur, totalement à part. “Talking Heads : 77” est un disque du matin : c’est suffisamment rare pour le signaler. Bon réveil.