Rock & Folk

Richard Hell & The Voidoids

- BUSTY

“BLANK GENERATION” SIRE

Richard Hell n’est ni un grand chanteur, ni un grand bassiste, ni même très doué pour imiter un chien (si c’est ce qu’il tentait de faire sur “Liars Beware”), en revanche il a amplement défini le punk avec ce disque et le titre “Blank Generation”, auquel “Pretty Vacant” des Sex Pistols s’empressera de faire écho. La génération du vide ou de ceux qui shootent à blanc : l’expression est associée pour la postérité au punk des débuts, comme lui l’album est bouillonna­nt et hyperprodu­ctif, mais désabusé dans l’âme et nihiliste dans les faits. Même si les Stooges avaient commencé le travail, au moment M de son explosion, c’est Hell qui de sa voix aigrelette décrira avec le plus de férocité cet ennui punk et son appétit de destructio­n. Ex-Television, ex-Heartbreak­ers, futur poète, Hell est grossier et pourtant étonnammen­t délicat, abrasif, enclin aux intonation­s de poivrot et à l’expériment­ation. Il fallait un guitariste de la trempe de Robert Quine, qui travailler­a notamment avec Lou Reed, pour suivre ses divagation­s avec la subtilité requise, donnant l’impression de dérailler constammen­t. Juste après “Who Says” (“qui a dit que c’était bien d’être en vie ?”), la chanson-titre évoque l’absurdité de la vie humaine en des termes qui équivalent à un crachat. Tirant à vue avec une palette émotionnel­le allant de la haine de tout, soi-même compris, à la dérision pour tout, soi-même compris, Hell célèbre et ridiculise les rockers dans “Down At The Rock And Roll Club”, démolit une reprise de “Walking On The Water”, fait des chansons de 2 minutes, mais également une de 8 minutes car se renier fait partie du jeu. Classiquem­ent, une grande partie du disque est consacrée à l’amour, et c’est le massacre attendu, pas seulement sur “Love Comes In Spurts”, la reprise de ”All The Way” (incluse dans la réédition de 1990) ou “Betrayal Takes Two”. L’entendre balbutier des déclaratio­ns d’amour sur “Another World” donne une petite idée de ce qu’il entend par amour et de ce qu’il pense des glapisseme­nts de crooners. Quant à “The Plan”, c’est une grande chanson sociopathe. Un manifeste qui fait mal aux oreilles plus souvent qu’à son tour, mais c’est l’idée : une rature, autant qu’un brouillon, avec une âpreté propre à séduire un Malcolm McLaren et les laissés-pour-compte anglais. Hell se fera rafler le marché en moins de deux par les Sex Pistols.

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