Rock & Folk

Robert Gordon

- CYRIL DELUERMOZ

“WITH LINK WRAY” PRIVATE STOCK

Les punks anglais remettant la rage à l’ordre du jour allaient permettre à quelques kids US de donner à leur tour de la gueule. Robert Gordon en avait une, non des moindres. Ayant attendu son heure dans les Tuff Darts, ce petit rocker de Washington DC qui venait de quitter sa femme eut la chance de tomber sur Richard Gottehrer, New-Yorkais de vieille souche — Strangelov­es, Blondie, c’est lui — qui l’associa sans barguigner à un pionnier de la guitare la plus sauvagemen­t sursaturée, Link Rumble Wray. Probable que quelques heures seulement auront suffi à coucher l’intégrale de ce disque de reprises électrisan­tes, méticuleus­ement choisies dans les poubelles de cette vieillerie historique, le rock’n’roll. Une reprise (par ailleurs sans intérêt) de “Summertime Blues” ne parvenant pas à cacher ces perles de la couronne que sont “The Fool” de Sanford Clark (signée Lee Hazlewood) ou le divin “Flying Saucers Rock’n’Roll” de Billy Lee Riley. Sur ce coup, les riffs d’intro sont arrachés dans un miaulement de feed-back et les deux chorus en fusion (riffs moulinés bas du braquet) restent un must pour tous ceux qui aiment leur viande tendre et si possible saignante. Link Wray brille d’un éclat incomparab­le sur “Woman (You’re My Woman)”. Hélas, dès cette époque, des chroniqueu­rs piétons demandent sentencieu­sement à leurs chers lecteurs si c’était là le but de la musique, si finalement Robert et Link n’étaient pas en train d’orchestrer un revival. Alors qu’en reprenant “Boppin’ The Blues” (Carl Perkins), Gordon tapait dans le mille d’une époque pas bégueule en solos sauvages. Le clou de cette année-là étant deux albums venus du Bowery de New York, le Dead Boys et celui-ci. En s’associant à un guitariste fielleux, sauvage, monstrueux de froideur électrique, Robert Gordon nous avait tapé dans le coeur. Suite prévisible : mort du King (outragé ?), un autre album avec le Rumbler clouant le cercueil d’Elvis (“Fresh Fish Special”) puis un défilé de lames de plus en plus fines, Chris Spedding, Dany Gatton, les disques de Robert Gordon étant de cette catégorie qui va s’améliorant. Donc peut-être que les esprits chagrins du début avaient raison.

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