Rock & Folk

Bijou

- NIKOLA ACIN

“OK CAROLE” MERCURY

En 1977, le punk rock incendie toutes les chapelles, autorisant le meilleur et le pire, les plus grandes audaces et les plus violentes expériment­ations. En France, un power trio trouvait que tout cela avait du bon mais manquait un poil d’élégance. Dérobant aux sixties la sobriété des costards et la sèche énergie mod, au bubblegum pop américain la richesse mélodique et l’insoucianc­e juvénile, et au meilleur de Dutronc et Gainsbourg la classe narquoise et arrogante, Vincent Palmer, Dynamite Yan et Philippe Dauga, sous l’aile de Jean-William Thoury, devenaient Bijou. Le Juvisy Sound était né. Après un premier album sur lequel, erreur, ils portaient encore le cheveu long, “OK Carole” rectifie le tir en lançant le gant au visage de toute la génération post-77 et, ostensible­ment, celui de Téléphone. Nul besoin pourtant de se fatiguer pour savoir lequel des deux groupes avait tout compris. Les chaussures pointues posées sur le sol, les cravates fines, les lunettes noires de Palmer, la frange impeccable de Dynamite et même la sobriété blonde de Dauga, Bijou était un groupe qui savait. Qui savait séparer le bon grain de l’ivraie, qui savait poser, qui savait s’habiller, qui savait jouer et surtout qui savait comment trouver le son. Le son, ce secret tellement élusif qu’il a toujours échappé aux rockers français, contraints d’éternellem­ent et vainement s’exiler dans des Angleterre et des Californie, à la recherche de quelque chose qui n’existe qu’à l’intérieur des esgourdes et au creux des doigts. Ce n’est pas un hasard, “OK Carole” a été enregistré “pas loin de

Saint-Etienne”. Dûment impression­né, Gainsbourg vint murmurer une de ses poignantes compositio­ns, “Les Papillons Noirs”, aux côtés d’un Palmer à l’évidence ému, avant que ne soit lancé le phénoménal “Pic A Glace”, bop meurtrier à la fois surf et yé-yé, féroce et sursaturé, garage et teigneux, d’une évidence pop aussi franche et aussi dangereuse que les meilleurs moments des Ramones ou des Sonics. Un furieux instrument­al, “Survie A Varsovie”, enfonce le clou, comme pour prouver que si Bijou ne chante pas en anglais, c’est par choix et non par nécessité. Le pari était osé. Car du rock, la variété à guitares, approximat­ion vague et commercial­isable des rythmes outre-Atlantique, s’accommode de toutes les langues et toutes les interpréta­tions. Mais Bijou n’était pas un groupe de rock. C’était un groupe de rock’n’roll et la distinctio­n est capitale.

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