Thin Lizzy
“LIVE AND DANGEROUS” VERTIGO
Tout ce qu’on nous avait promis sur le heavy metal se trouve dans ce double album. Vulgaire, grossier et violent, d’une simplicité risible, mais avec cette putain d’attitude... Phil Lynott est mort et il est évident qu’on n’en fera plus beaucoup, des disques comme ce “Vivant Et Dangereux”. Un double à l’ancienne. Avec le public de Londres et Toronto survolté par les solos de guitare typiquement seventies du Californien Scott Gorham ou de l’Ecossais Brian Robertson. Ces guitaristes tricotent ferme, restent concis, réussissent régulièrement à sauver l’affaire. Dès l’intro, “Jailbreak”, ils ferraillent dru, mais toute l’histoire semble effroyablement estampillée
seventies. Sur “Johnny The Fox Meets Jimmy The Weed”, il devient évident que ces Irlandais d’adoption n’ont pas fait que boire du Jameson. Ceci expliquant sans doute le jeu de basse caoutchouteux de Philip Lynott. Cette basse ! C’est la grosse affaire de tout disque de Thin Lizzy. Dans un incroyable turn-over de personnel, Lynott est resté l’ancre d’amarrage, celui qui maintenait le cap, tentant de pousser toujours plus loin le groupe. Sa voix est voilée (trop de clopes, trop de dope, trop de whisky), donc il assure avec gros déphasage, chambres d’écho, mais sa basse, spongieuse, articulée, coulante et remontant vicieusement de bonnes vieilles gammes irlandaises nous prévient qu’il se passe vraiment ici un truc unique — et en plus, Lynott écrit de sacrées bonnes chansons (“The Boys Are Back In Town”), un peu comme Springsteen continue d’en chercher le secret. Tout Thin Lizzy (17 albums au boulier) est de haut niveau. Alors ne faisons pas l’erreur de juger ce disque à la lumière du death thrash metal qui n’existe pas à l’époque. Nous parlons d’un temps où Pretty Things, Foghat, Status Quo, Budgie et autres ont tous les potards sur onze (et de remarquables pantalons patte d’éléphant en velours moiré rose). Les punks vont bientôt signer leur arrêt de mort. Et il faudra la New
Wave Of British Heavy Metal (comprendre Iron Maiden) pour que la machine reparte, un peu plus violente, un peu plus dure, un peu moins blues, un peu plus wagnérienne aussi. Dans l’intervalle, celle de Lynott s’était arrêtée : overdose/ crise cardiaque et pneumonie, il avait fallu tout cela ensemble pour tuer Johnny The Fox.