Devo
“Q : ARE WE NOT MEN ? A : WE ARE DEVO” VIRGIN
Cinq extraterrestres d’Akron, Ohio, les frères Mothersbaugh (Mark, chant/ guitare/ claviers, et Bob, guitare), les frères Casale (Jerry, basse, et Bob, guitare) plus Alan Meyer (batterie) jouent le concept total. Non contents d’en mettre plein les yeux avec leurs costumes sortis tout droit d’improbables feuilletons sci-fi en technicolor, ils martèlent des rythmes robotiques sur un galimatias de théories évolutionnistes, mêlant science et philosophie, pommes de terre et fleurs en pot. Sous leurs faux airs de dadas, les Devo maîtrisent effectivement tous les paliers de leur propre évolution : commençant par monter leur label Booji Boy, éditant des films de propagande pastiche, se réinventant une culture, s’affublant d’uniformes délirants. De l’art ou du cochon, on ne sait plus trop mais, à la faveur de quelques brèves lueurs de lucidité, on distingue dans leur discours des vérités correctement assenées sur la vie moderne et les technocrates. Rois du détournement, ils se jouent de ce qu’ils dénoncent, créent le multimédia avant l’heure. Produit sur mesure par Brian Eno, le premier album condense les élucubrations des cinq fêlés. Question posée par un savant fou, blouse blanche, noeud pap’, lunettes de plongée et gants de vaisselle : “Ne sommes-nous pas des
hommes ?” Réponse de trois allumés masqués d’un bas, lunettes de soleil sous le nylon : “Nous sommes Devo !” Devo, comme dé-évolution. L’interrogation est piquée à leur profession de foi, leur ecce homo à eux : “Jocko Homo”. Musicalement, les Residents en plus humain — il y a tout de même trois guitaristes dans le groupe. Dès le premier morceau, “Uncontrollable Urge”, tout disjoncte, les choeurs ne ressemblent à rien de connu, des bruits parasites seront à loisir resservis et développés tout au long de cet étonnant voyage. Une reprise syncopée, robotisée, à la fois clinique et dansante de “Satisfaction” poursuivant le travail de sape. Allô la Terre, sommes-nous sur une autre planète, ou passés dans la 4e dimension ? Il est question de prières entre deux hoquets, injonctions emphatiques et bidouillages électroniques, puis de junks volants, de paranos excessives et surtout de Mongoloïd. Un terme qui soudain semble comme un embryon de réponse à la folie préalable, du moins l’hypothèse la plus sensée émise depuis le début : une simple histoire de chromosomes.