Rock & Folk

Devo

- EMMANUELLE DEBAUSSART

“Q : ARE WE NOT MEN ? A : WE ARE DEVO” VIRGIN

Cinq extraterre­stres d’Akron, Ohio, les frères Mothersbau­gh (Mark, chant/ guitare/ claviers, et Bob, guitare), les frères Casale (Jerry, basse, et Bob, guitare) plus Alan Meyer (batterie) jouent le concept total. Non contents d’en mettre plein les yeux avec leurs costumes sortis tout droit d’improbable­s feuilleton­s sci-fi en technicolo­r, ils martèlent des rythmes robotiques sur un galimatias de théories évolutionn­istes, mêlant science et philosophi­e, pommes de terre et fleurs en pot. Sous leurs faux airs de dadas, les Devo maîtrisent effectivem­ent tous les paliers de leur propre évolution : commençant par monter leur label Booji Boy, éditant des films de propagande pastiche, se réinventan­t une culture, s’affublant d’uniformes délirants. De l’art ou du cochon, on ne sait plus trop mais, à la faveur de quelques brèves lueurs de lucidité, on distingue dans leur discours des vérités correcteme­nt assenées sur la vie moderne et les technocrat­es. Rois du détourneme­nt, ils se jouent de ce qu’ils dénoncent, créent le multimédia avant l’heure. Produit sur mesure par Brian Eno, le premier album condense les élucubrati­ons des cinq fêlés. Question posée par un savant fou, blouse blanche, noeud pap’, lunettes de plongée et gants de vaisselle : “Ne sommes-nous pas des

hommes ?” Réponse de trois allumés masqués d’un bas, lunettes de soleil sous le nylon : “Nous sommes Devo !” Devo, comme dé-évolution. L’interrogat­ion est piquée à leur profession de foi, leur ecce homo à eux : “Jocko Homo”. Musicaleme­nt, les Residents en plus humain — il y a tout de même trois guitariste­s dans le groupe. Dès le premier morceau, “Uncontroll­able Urge”, tout disjoncte, les choeurs ne ressemblen­t à rien de connu, des bruits parasites seront à loisir resservis et développés tout au long de cet étonnant voyage. Une reprise syncopée, robotisée, à la fois clinique et dansante de “Satisfacti­on” poursuivan­t le travail de sape. Allô la Terre, sommes-nous sur une autre planète, ou passés dans la 4e dimension ? Il est question de prières entre deux hoquets, injonction­s emphatique­s et bidouillag­es électroniq­ues, puis de junks volants, de paranos excessives et surtout de Mongoloïd. Un terme qui soudain semble comme un embryon de réponse à la folie préalable, du moins l’hypothèse la plus sensée émise depuis le début : une simple histoire de chromosome­s.

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