Rock & Folk

Serge Gainsbourg

- GILLES VERLANT

“AUX ARMES ET CÆTERA” PHILIPS

Michel Droit avait raison. “En enregistra­nt une parodie de ‘La Marseillai­se’, Gainsbourg a sans doute cru réaliser une affaire. Son entreprise dépasse le simple outrage

à l’hymne national”, écrivait-il le 1er juin 1979 dans le Figaro Magazine. A l’origine de l’ire sénile et antisémite du chantre réactionna­ire, un album, “Aux Armes Et Cætera”, que le futur Gainsbarre venait de sortir, bouclant ainsi une décennie agitée au cours de laquelle on l’avait vu ahaner en duo avec Jane Birkin (“Je T’Aime Moi Non Plus”) et sortir des albums majeurs dédiés à des mineures tels “... Melody Nelson” ou “L’Homme A Tête De Chou”. Le scandale éclate : alors que “La Marseillai­se” reggae fait un tabac (grâce aux radios dites libres qui matraquent le titre entre deux saisies d’émetteurs

courtesy of le pouvoir giscardien), l’Union Nationale des Parachutis­tes multiplie les actions : à Marseille d’abord où Gainsbourg ne peut dédicacer son disque, à Strasbourg ensuite où un concert est annulé en janvier 1980, soit six mois après l’article maudit. Cela dit, Michel Droit avait raison : cette version interlope de l’hymne national est une authentiqu­e profanatio­n. Déjà, avoir l’idée en 1979 d’enregistre­r un album reggae quand on est un chanteur français, quoique juif et russe, ne devrait pas être permis. En plus, s’offrir la meilleure section rythmique jamaïcaine, celle de Peter Tosh, Sly Dunbar à la batterie et Robbie Shakespear­e à la basse, c’est de la pure outrecuida­nce. Aucun Blanc, même anglo-saxon, n’y avait pensé. Il aura fallu que Serge montre la voie pour que Bob Dylan et Joe Cocker se décident. Manquerait plus que cet album soit bourré de tubes jusqu’à la gueule, comme un spliff qui n’attend plus qu’une allumette. C’est le cas avec “La Brigade Des Stups”, “Relax Baby Be Cool”, “Des Laids Des Laids”, “Vieille Canaille”, “Lola Rastaquouè­re” — et même des versions revisitées de “Marilou Reggae” et de “La Javanaise”. Voilà comment, à 51 ans, Gainsbourg s’offrit une cure de jouvence, un nouveau public, celui des “p’tits gars” comme il disait, et passa de vingt ou trente mille disques par an à collection­ner or et platine. Alors merci Michel, merci le Fig-Mag. Et comme ricanait Gainsbourg, “on n’a pas le con d’être aussi Droit”...

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