Rock & Folk

The Cure

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“THREE IMAGINARY BOYS” FICTION

Avant d’être arrogants, compliqués, habillés trop large, coiffés ébouriffés, les Cure étaient comme les autres habitants de la planète terre : réservés, simples, la mise soignée, la raie bien au milieu. Non, c’est pour rire. Mais, puisqu’on l’a oublié en 2014, rappelons aux plus jeunes lecteurs, qu’avant d’être comme ils sont aujourd’hui, Robert Smith et son groupe ont été, eux aussi, jeunes. Très jeunes, même. Pour ainsi dire, des gosses. En ces temps reculés (1979) où, sans être pour autant carrés, les disques étaient grands et noirs, les Cure enregistrè­rent même un excellent premier album, chose qu’ils seraient bien incapables de refaire à présent (un premier disque, s’entend). C’est Chris Parry qui les repéra le premier à cause d’une de leurs chansons, inspirée par Albert Camus, “Killing An Arab”. Impression­né par leur son et le charisme du chanteur, il les signe vite fait, sur Fiction, son label. Il publie “Three Imaginary Boys” quelques mois plus tard et on s’aperçoit que Cure est déjà un grand groupe. Sa démarche, allumée/ intello, son approche, de récifs en récifs, ses arrangemen­ts, qui ne craignent pas le tangage, sont à rendre fou, mais ces mecs inventent, façonnent, modèlent. Leur punk rock mélodique, ils le rouent de coups, leurs instrument­s, ils creusent avec et, lorsqu’ils appréhende­nt un refrain ou une partie instrument­ale, c’est haletant comme des enfants qui s’apprêtent à dessiner un monstre. “10:15 Saturday Night”, “Accuracy” et “Object” sont seulement éclairées d’un croissant de mauvaise lune, tandis que c’est un génie fumasse qui pourchasse “Grinding Halt”, “So What” ou “Fire In Cairo”. Les parties de guitares de Robert Smith sont tendancieu­ses, voire litigieuse­s, et la rythmique, abandonnée aux mains de Lol Tolhurst et Michael Dempsey (qui sera remplacé par Simon Gallup), bat comme un coeur dans de la cendre. La France et ses lycéens, très portés sur le spleen, accueiller­ont Robert Smith et ses caprices à bras ouverts dès l’album suivant, faisant d’un trio presque secret une énorme machine de stades. Sa musique prendra du ventre et les chansonnet­tes gavées de colorants de “Three Imaginary Boys” retournero­nt dans leur pochette signée Bill Smith, avec un lampadaire, un aspirateur, et un réfrigérat­eur bien blanc pour les garder bien au frais.

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